sudouest.com, Olivier Plagnol, le 12 Novembre 2009
GWÉNAËLLE PLET. Salariée de la LPO, elle évoque le programme Pyrénées vivantes et parle longuement des grands rapaces, oiseaux emblématiques du massif pyrénéen
Au royaume des rapaces
Gwénaëlle Plet travaille depuis 2004 au sein de la Ligue pour la protection des oiseaux, après des études sans le domaine du développement en espace rural. À la LPO, elle est notamment chargée de communication pour le programme Pyrénées vivantes. Gwénaëlle Plet, 39 ans, vit à Aucun dans les Hautes-Pyrénées.
Qu’est-ce que le programme Pyrénées vivantes ?
C’est un programme transfrontalier qui s’est déroulé entre 2002 et 2006 sur la préservation du gypaète barbu. Il comprenait trois volets. Un volet environnemental, afin de mieux connaître le gypaète barbu, un volet conservation, et un volet éducation et pédagogie.
Entre 2006 et 2009, période intermédiaire, le programme qui n’était plus transfrontalier s’est étoffé avec des actions sur le versant français : notamment un plan national de restauration du vautour percnoptère, un autre pour le milan royal, et un inventaire des couples nicheurs de vautours fauves. Ces plans nationaux de restauration sont lancés à l’initiative de l’État, coordonnés par la Diren Aquitaine et confiés pour leur mise en œuvre à la LPO. Nous coordonnons ensuite les actions de la cinquantaine de partenaires.
Un nouveau programme transfrontalier Pyrénées vivantes est actuellement à l’étude. La décision finale devrait intervenir en fin d’année ou en début d’année prochaine.
Quelle est la spécificité de la population des grands rapaces dans les Pyrénées ?
Grâce à une présence encore forte du pastoralisme, les Pyrénées sont d’une richesse incroyable dans le domaine des grands rapaces nécrophages. Ils sont emblématiques du patrimoine et de l’identité des Pyrénées.
Avec le vautour fauve, le gypaète barbu, le vautour percnoptère, trois grands charognards, et si l’on y ajoute l’aigle royal, il n’y a pas, dans le cortège de ces trois espèces, d’équivalent sur le territoire français. C’est un atout que l’on essaie de mettre en avant auprès des acteurs du territoire pyrénéen. Un atout écologique mais aussi pour l’écotourisme. C’est à la base des actions de conservation que l’on peut mener en partenariat. Un exemple : celui de Sainte-Engrâce, en Soule. Nous avons passé une convention avec les chasseurs, les éleveurs, les forestiers, les adeptes de sport en pleine nature, les élus locaux. Tous ces acteurs se sont engagés à prendre en compte dans leurs activités la présence du gypaète. Et cela marche. Même si on ne peut pas être certain du lien de cause à effet, nous avons eu deux reproductions lors des deux années de suite.
De notre côté, nous avons financé un sentier découverte sur la biodiversité dans les gorges de Kakouetta. Et nous avons l’intention de mettre en place d’autres actions en faveur du développement écotouristique.
Vous évoquez beaucoup le gypaète barbu. Est-ce le rapace le plus menacé ?
C’est effectivement le rapace le plus menacé en Europe. En France, il n’est présent que dans les Pyrénées, avec 32 couples sur le versant français, en Corse (neuf couples) et dans les Alpes où il a été réintroduit.
En Europe, il ne reste que 150 couples. Nous avons donc une importante responsabilité dans la préservation de cette espèce classée espèce menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Depuis le lancement en 1997 d’un plan national de restauration, le nombre de couples augmente d’environ une unité par an.C’est encourageant mais le statut du gypaète, espèce protégée comme tous les rapaces, reste encore précaire. C’est pourquoi la perte d’un adulte est à chaque fois très préjudiciable. Il faut savoir que le gypaète barbu met environ dix ans avant d’être en mesure de réussir une reproduction. Il ne peut donner naissance qu’à un seul jeune par cycle, sachant qu’une fois sur trois la reproduction échoue. Et lorsqu’un jeune s’envole, il possède là aussi une chance sur trois d’arriver à l’âge adulte.
C’est aussi un oiseau extrêmement sensible aux dérangements. Les pertes sont dues à des causes naturelles mais aussi à des causes d’origines humaines : collisions contre des câbles, tirs de plomb (on a encore eu un cas l’an passé en Béarn), empoisonnement, etc.
Qu’en est-il de la situation des autres grands rapaces ?
On compte 66 couples de vautours percnoptère dans les Pyrénées dont les trois-quarts sont situés dans les Pyrénées-Atlantiques. En Espagne, ils sont environ un millier. En France, la population de cette espèce migratrice est en légère augmentation ces dernières années.
Pour le milan royal, on estime qu’environ 5 000 nicheurs, soit le quart de la population sur l’ensemble de la France, hiverne dans les Pyrénées.
Ce sont des effectifs encore importants, mais en nette baisse en Europe. Et on ne parvient pas à endiguer cette baisse. Lui aussi bénéficie d’un plan national de restauration. Dans ce cas précis, l’État anticipe pour éviter un effondrement complet des populations.
Et où en est la population de vautours fauves ?
L’État a demandé à la LPO de réaliser un inventaire. En 2006, 580 couples ont été comptabilisés sur le versant français, dont 90 % dans les Pyrénées-Atlantiques En 2007, ils n’étaient plus que 525. Nous n’avons pas de chiffres pour les années suivantes. Depuis les années 70, où le nombre de couples était descendu très bas, la population a cru de façon importante, surtout en Espagne. Ce n’est pas une espèce menacée, même si nous devons toujours rester vigilants.
Votre avis sur le problème des vautours fauves qui attaqueraient le bétail vivant ?
Nous prenons cette problématique au sérieux et nous participons d’ailleurs au comité interdépartemental de suivi du vautour fauve. Le fait que le vautour fauve puisse être à l’origine de la mort de bétail domestique est attesté. Mais ces cas restent exceptionnels. Il intervient parfois comme facteur aggravant d’une situation déjà critique : une mise à bas qui se passe mal, une bête coincée dans des barbelés, un animal blessé… Il n’y a que quelques rares cas inexpliqués où on sait que le vautour est intervenu mais pas dans quelles conditions. Mais je tiens à souligner que le vautour fauve n’est pas devenu un prédateur. Il n’est d’ailleurs pas équipé pour cela.
En revanche, ses comportements ont évolué. Il est plus présent dans les environnements des fermes et sa rapidité d’intervention est plus grande. Une étude menée récemment par des sociologues montre que le vautour fauve est toujours considéré par les éleveurs comme un auxiliaire indispensable pour l’équarrissage, et qu’il a bien une utilité sociale. Son intervention est naturelle, rapide, gratuite, sans risques sanitaires. Et puis que seraient les Pyrénées sans vautours fauves ?
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