Heribert Prantl, 25 septembre 2008, Süddeutsche Zeitung (Courrier international)
L’économie sociale, ça marche
Le modèle introduit après guerre en Allemagne de l’Ouest n’a jamais été égalé. Appliquons-le partout ! Le capitalisme l’a emporté. C’est en tout cas ce que l’on entend dire depuis que le communisme et le socialisme d’Etat se sont effondrés. Sauf qu’entre-temps on a surtout eu le sentiment que le capitalisme, loin d’avoir gagné, n’avait fait que survivre. Cela ne ressemble guère à un vainqueur. Un vainqueur ne cède pas à la panique, ne tombe pas en faillite, n’appelle pas à l’aide.
Si les protagonistes de l’absolue liberté du marché réclament aujourd’hui une réglementation, il ne faut pas s’en gausser. On peut y voir une prise de conscience tardive. Le monde vit aujourd’hui le purgatoire du capitalisme. Ensuite, qu’adviendra-t-il ? Il faut que le capitalisme se purifie. Ce capitalisme purifié existe déjà, du reste, en petit format. On peut étudier son succès, il a pour nom économie sociale de marché. Mais il n’a eu jusqu’ici pour cadre que l’Etat-nation : c’est en cela qu’il a perdu sa force.
L’économie sociale de marché telle qu’elle a été développée en République fédérale après la Seconde Guerre mondiale est l’ordre social et économique le plus réussi qu’ait jamais connu l’histoire. Il ne s’agit pas de capitalisme pur et dur, ni d’une économie fondée sur la loi du plus fort. Elle représente une tentative aboutie pour trouver un dénominateur commun entre la concurrence et la justice sociale. Elle a domestiqué le capitalisme. Mais, malheureusement, elle y parvient de moins en moins.
L’économie sociale de marché suppose un Etat capable d’agir. Or, depuis que l’économie s’est mondialisée, cette main synonyme d’ordre n’a plus aucune emprise, car elle est restée nationale. L’économie s’est mondialisée, pas l’ordre étatique. L’Union européenne se préoccupe de la liberté du marché plutôt que de l’ordre qui devrait y régner. Même la Cour de justice européenne vend, comme s’en plaint la Deutsche Richterzeitung [journal allemand destiné aux juristes], “l’Etat et le droit à la concurrence”.
Le fossé entre l’économie mondiale et les Etats-nations ne cesse de se creuser. Il engouffre les emplois et les espoirs d’avenir des individus. Les “travailleurs”, tels que les glorifient les chants ouvriers, quand ils se mettent “debout”, découvrent non leur pouvoir, mais leur impuissance. Le capital, lui, libéré des frontières, optimise ses gains en commerçant en circuit fermé. Lire la suite
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