Le Monde, Laetitia Clavreul, le 21 février 2009
La France redistribue et dévoile les aides agricoles
Dans les allées du Salon de l’agriculture, qui a ouvert ses portes samedi 21 février, les visiteurs s’extasient devant les bêtes de compétition, mais les réflexions des agriculteurs, elles, se focalisent sur la réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC).
Les arbitrages du gouvernement seront officialisés lundi 23 février. Puis, le 30 avril, seront publiés pour la première fois les montants des aides touchées par chaque exploitation. Deux événements qui constituent un symbole fort, après des années où l’on se gardait bien, en France, de déballer sur la place publique les débats et les données sur les subventions.
Depuis que l’adoption du bilan de la PAC, fin novembre 2008, a donné à Paris la possibilité de modifier les critères de distribution des aides directes (8 milliards d’euros), les uns se réjouissent, sachant qu’ils toucheront plus, et les autres tirent la sonnette d’alarme, car leurs revenus vont baisser.
Depuis dix-huit mois, le ministre de l’agriculture, Michel Barnier, plaide pour une PAC plus équitable, et prévoit de rééquilibrer les soutiens au profit des laissés-pour-compte du système, notamment l’élevage ovin, l’agriculture de montagne ou la « bio ».
La Confédération paysanne est ravie que la France prenne enfin le virage du soutien à l’agriculture durable. Mais à la FNSEA, le principal syndicat agricole, la future réorientation des aides a révélé des débats entre céréaliers et éleveurs, restés jusque-là discrets. En témoignent leurs communiqués, d’une rare violence.
Le syndicat s’est au final dit favorable à une évolution, mais le sujet y reste ultrasensible. En 2003, lors de la dernière réforme de la PAC, c’est lui qui avait bloqué le changement, restant arc-bouté sur les mécanismes du passé.
Au ministère, on promet que la réorientation, en termes de sommes prélevées, sera « raisonnable ». Les céréaliers, premiers concernés par une baisse car ils étaient les plus favorisés, devraient être rassurés par la mise en place d’un système d’assurance qui les couvrirait en cas de retournement des marchés.
Maintes fois pris à parti, M.Barnier semble avoir tenu bon. « Si on ne renforce pas la légitimité de la PAC, alors certains pourraient tout perdre », prévient-il. « Il faut donner du sens à la politique agricole« , estime de son côté l’Elysée, qui veut ainsi préparer le secteur à la prochaine réforme de la PAC, en 2013.
La France, première bénéficiaire des aides, sait qu’elle doit s’adapter à une PAC plus préoccupée par l’environnement et le soutien aux zones fragiles, si elle veut que le budget agricole européen ne soit pas trop amputé en 2010, comme le veulent les Britanniques. En outre, à partir de 2013, pour la première fois, la France versera plus qu’elle ne touchera. Si les aides ne correspondaient pas aux attentes de la société et d’une partie des paysans, le front anti-PAC pourrait grossir.
Cette question de la légitimité des soutiens pourrait prendre encore plus de sens, une fois les montants perçus rendus publics. Là aussi, il s’agit d’un long débat porté par la Confédération paysanne. En militant pour la transparence, son idée n’était pas de condamner les aides, mais d’en pointer les dérives et de réclamer une distribution plus favorable aux petites exploitations. En bref, que l’argent public soit mieux utilisé.
Le combat d’agriculteurs dans sa mouvance ainsi que la pression des médias et d’associations ont poussé Bruxelles à rendre obligatoire la publication, au plus tard le 30 avril, de tous les montants par le biais de sites Internet nationaux. Lire la suite →
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