Rapport Roussely : sauver le nucléaire français à coup de mesures scandaleuses

sortirdunucleaire.org, communiqué de presse, le 30 juillet 2010

http://www.sortirdunucleaire.org/index.php?menu=actualites&sousmenu=dossiers&soussousmenu=roussely&page=index

Nucléaire français : ça sent le Roussely…

Rapport Roussely : sauver le nucléaire français à coup de mesures scandaleuses

Les grandes lignes du rapport Roussely, remis au Président de la République en mai dernier et classé secret défense, ont été rendues publiques par l’Elysée, le mardi 27 juillet 2010.

Nucléaire français : un bilan économique et industriel désastreux

Le rapport Roussely reconnaît l’ampleur des déboires que rencontrent Areva et EDF sur les chantiers des réacteurs EPR en construction, en France et en Finlande : « la crédibilité du modèle EPR et de la capacité de l’industrie nucléaire française à réussir de nouvelles constructions de centrales ont été sérieusement ébranlées par les difficultés rencontrées sur le chantier finlandais d’Olkiluoto et sur celui de la troisième tranche de Flamanville« . En cause, « la complexité de l’EPR » qui « est certainement un handicap pour sa réalisation et donc ses coûts ».

Estimant que « la filière nucléaire doit atteindre une compétitivité attractive pour l’investissement privé« , Roussely reconnaît que le nucléaire n’a jusqu’ici jamais été compétitif ni économiquement efficace, contrairement à ce que clame le marchand de centrales Areva. Roussely pointe la contre-performance du parc nucléaire français : « alors que la disponibilité moyenne mondiale des centrales nucléaires a significativement augmenté au cours des 15 dernières années, la disponibilité des centrales nucléaires françaises diminue fortement depuis quelques années« .

La déroute de l’EPR est telle que, selon Roussely, « c’est la crédibilité, et donc l’existence même » de l’industrie nucléaire française qui est en jeu. Pour faire face, Roussely fait feu de tout bois, en préconisant des « mesures d’urgence » toutes plus scandaleuses les unes que les autres.

Faire payer le consommateur et détourner des financements publics

Roussely préconise « une hausse modérée mais régulière des tarifs de l’électricité afin de permettre la préparation du financement du renouvellement du parc« . Le nucléaire coûte trop cher? Qu’à cela ne tienne, il suffit de faire payer le consommateur. A force d’être « régulière », la hausse des tarifs risque de ne pas rester « modérée » très longtemps…

Roussely propose de détourner une partie des financements destinés aux énergies renouvelables, au profit de l’industrie nucléaire. L’uranium qui permet aux centrales de fonctionner est un minerai épuisable, non renouvelable : le nucléaire est une énergie fossile, au même titre que le pétrole et le charbon. Pourtant, Roussely propose de « poursuivre une action politique résolue pour obtenir que tous les financements multilatéraux destinés aux énergies renouvelables soient aussi Lire la suite

Edouard Bard : Si nous ne changeons pas nos habitudes, les jeunes générations connaitront, d’ici la fin du siècle, les estimations les plus hautes du réchauffement mondial : entre 2 et 6°C

place-publique.fr, Yan de Kerorguen, le 7 décembre 2009

http://www.place-publique.fr/spip.php?article5517

* Une version de cet article est parue dans la revue Dirigeants n°87 (Septembre 2009)

Edouard Bard met en évidence le lien intime entre climat et océan*

En chercheur engagé, Edouard Bard n’hésite pas à aller au front pour défendre ses convictions. Pour atténuer le risque d’une dérive climatique, au cours de la seconde moitié du siècle, cet « archéologue du climat » pense qu’une mutation technologique et économique s’impose.

« Si nous ne changeons pas nos habitudes, les jeunes générations connaitront, d’ici la fin du siècle, les estimations les plus hautes du réchauffement mondial : entre 2 et 6°C en moyenne planétaire en fonction des scénarios d’émissions et de la sensibilité plus ou moins grande du climat à cette perturbation ».

Edouard Bard, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’évolution du climat et de l’océan, n’est pas un homme à dire les choses à la légère. D’abord, c’est un chercheur à l’état pur qui cultive le doute scientifique et cumule les distinctions : médaille de bronze du CNRS, Grand Prix Gérard Mégie du CNRS et de l’Académie des Sciences et bien d’autres honneurs reçus à l’étranger. Ensuite, sa matière à lui, c’est le temps, plus exactement la paléoclimatologie. Elle lui fournit la possibilité d’obtenir des séries temporelles indispensables pour une vision claire des variations naturelles et des incertitudes associées.

«  Mon travail consiste à comprendre le lien intime qui existe entre l’océan et l’atmosphère sur des échelles de temps allant de quelques siècles à plusieurs millions d’années », explique-t-il.

Avec ses collaborateurs du CEREGE (Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement), basé à Aix-en-Provence, il a mis en évidence des périodes de refroidissement abrupt de l’océan Atlantique Nord en liaison avec des débâcles d’icebergs au cours de la dernière déglaciation. Il a également établi une chronologie précise de la remontée du niveau de la mer depuis 20 000 ans et découvert de brusques variations de ce niveau à des taux supérieurs à un mètre par siècle. Il a aussi réalisé plusieurs autres découvertes majeures notamment sur les méthodes de datation utilisant le carbone14.

Cet archéologue du climat utilise des méthodes de chimie analytique pour déterminer l’ampleur et la chronologie des variations climatiques. De nouvelles méthodes quantitatives lui ont permis de reconstruire les climats passés avec des archives variées comme les sédiments océaniques, les coraux, les stalagmites, les sédiments lacustres et les glaces polaires. Très récemment, lui et son équipe ont mesuré et comparé des enregistrements du Pacifique et de l’Atlantique, ce qui leur a permis d’identifier un nouveau mécanisme d’amplification de ces changements climatiques faisant intervenir l’atmosphère et l’océan tropical

En chercheur engagé, E. Bard n’hésite pas à aller au front pour défendre ses convictions. Par exemple lorsqu’il s’emporte, dans le journal Libération (19 décembre 2007) contre une « malhonnêteté scientifique » aboutissant à nier le rôle des rejets anthropiques de gaz à effet de serre dans le changement climatique en cours.

Pour lui, des scénarios d’augmentation de température de plus de 2 degrés par rapport à aujourd’hui ne sont pas à exclure. En clair, Lire la suite

Climat : les négociations internationales enlisées

lemonde.fr, Grégoire Allix, le 7 août 2010

http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2010/08/07/climat-les-negociations-internationales-enlisees_1396723_3244.html

Climat : les négociations internationales enlisées

Les négociations sur le climat ne sont pas sorties de l’ornière où les a laissées l’échec de la conférence de Copenhague, en décembre 2009. Les délégués de 178 pays réunis à Bonn, du 2 au 6 août, pour aplanir la route vers un accord international avant la Conférence des Nations unies sur le climat, à Cancun, au Mexique, du 29 novembre au 10 décembre, se sont séparés sur un constat d’échec. Baisse des émissions, aide aux pays pauvres, protection des forêts… aucun des sujets sur la table n’a connu d’avancée.

L’annonce, fin juillet, de l’ajournement du projet de loi sur l’énergie aux Etats-Unis, interprétée par des gouvernements du Sud comme le signal que Washington ne tiendrait pas ses engagements sur le climat, a largement contribué à crisper les négociations.

Les discussions ont repris sur la base d’une nouvelle version du texte proposé au mois de juin par la diplomate zimbabwéenne Margaret Mukahanana-Sangarwe. Cette synthèse, qui reprend les termes de l’accord de Copenhague et les propositions de différentes parties, doit servir de base à un accord.

Mais loin de permettre de choisir parmi les nombreuses options entre crochets laissées à la décision des négociateurs, le travail en groupes thématiques de la semaine écoulée n’aura fait que compliquer le paysage. Des délégations, notamment celles des pays en développement et des grands émergents, qui jugent ce texte trop favorable aux pays riches, ont réintroduit certaines de leurs exigences initiales. Et de 45 pages le 2 août, le document était passé à 100 feuillets vendredi.

Les tensions restent vives entre pays riches et monde en développement. Si les discussions entre pays industrialisés ont permis d’affiner les mécanismes qui succéderont au protocole de Kyoto, qui prend fin en 2012, les représentants du Sud ont rappelé que les engagements actuels des gouvernements du Nord ne suffiront pas à limiter le réchauffement à 2°C.

DÉCISIONS SECTORIELLES

La Costaricienne Christiana Figueres, qui a succédé, le 1er juillet, au Néerlandais Yvo de Boer à la tête de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, a appelé les pays du Nord à honorer d’urgence l’engagement, pris à Copenhague, de Lire la suite

Du Vert dans le Rouge : renforcer la prise en compte de l’écologie mais rester à gauche.

legrandsoir.info, Christian Delarue, le 3 août 2010

http://www.legrandsoir.info/Du-Vert-dans-le-Rouge-renforcer-la-prise-en-compte-de-l-ecologie-mais-rester-a-gauche.html

Du Vert dans le Rouge : renforcer la prise en compte de l’écologie mais rester à gauche.

Pour des raisons de fond comme pour des raisons d’alliances politiques contre le sarkozysme en France il importe de relier l’écologie et le social. Pour ce faire, une maitrise politique et démocratique de l’économie est nécessaire au lieu de la laisser à la logique marchande (produire des marchandises) et capitaliste (faire du profit). Il n’y a pas de capitalisme vert dit Michel Husson (1) ! La question dépasse évidemment l’horizon national.

I – Avancer des positions théoriques conséquentes à gauche sur le respect de la nature.

1. QUELLE CROISSANCE ? QUELLE PRODUCTION ?

La gauche de gauche écologiste et socialiste (pas au sens de social-démocrate) pense qu’il faut sortir du dogme de la croissance infinie et de la production anarchique non pas pour tordre le bâton dans l’autre sens avec un dogme de la décroissance généralisée et du ne rien produire du tout mais en se posant des questions sur le contenu et les modalités de la production . Il y a toujours besoin de construire des écoles, des logements, des hôpitaux, et nombres de biens utiles. D’autres productions sont inutiles voire nuisibles. La production de voitures ne va pas baisser sans une politique sectorielle transitoire.

Pour avancer, il faut lier les deux questions celle du contenu et celle du mode de production : Si vous voulez construire moins de voitures, moins d’avions et plus de trains par exemple il faut, outre le changement d’imaginaire, surement changer le mode de production tellement les paramètres en jeux sont importants. On peut user de façon transitoire de certaines taxes pour interdire l’accès aux voitures mais cela ne portera que contre les moins solvables (qui sont nombreux) mais c’est un capitalisme dictatorial qui est alors en place ; clairement contre les intérêts du peuple. On s’en approche ceci dit. On peut aussi baisser beaucoup plus les tarifs de transport ferroviaire ce qui suppose une très forte réhabilitation des services publics et de la fiscalité pour les faire fonctionner. Même ainsi, cela ne résoudra pas toutes les questions.

En fait, il est fort peu probable que le mode de production capitaliste orienté vers a valeur d’échange et le profit sache aller vers cette orientation. Dépasser les régulations marginales suppose d’aller vers le socialisme et pour cela il faut mettre le politique et la démocratie au poste de commande, pas le marché et le capital même avec quelques régulations.

2. TOUS RICHES AU NORD ?

Faut-il faire ici la critique de l’empreinte écologique ou celle de son usage ? Si l’empreinte écologique est pertinente, il faut alors se garder d’une interprétation intégriste de cet outil d’analyse. En effet, à écouter certains écologistes, usant de l’empreinte écologique comme critère, la question de la répartition des richesses est mondiale et oppose le Nord surconsommateur au Sud insolvable. Pourtant disposer d’une automobile ne fait pas le riche dans le vécu ordinaire des travailleurs. Ce qui n’empêche pas qu’ une ville comme Londres a une empreinte écologique 120 fois supérieure à sa superficie . La répartition des richesses se pose aussi au Nord. Il faut continuer à défendre le bouclier social et fiscal des 3000 euros et moins par mois dans les pays comme la France. Cela n’empêche pas de vouloir une bonne répartition des revenus au plan mondial et un meilleur accès au services publics. Mieux, il y a tout lieu de penser que si l’égalité avance au Nord, la volonté de justice sociale grandira alors pour le Sud. Il faut enfin préciser aussi qu’il y a du nord au sud. Il y a dans de nombreux pays du sud une bourgeoisie compradores qui émarge à la mondialisation capitaliste et qui place ses fortunes en Suisse et dans les paradis fiscaux.

3. POUR UN DÉVELOPPEMENT SOCIALISTE SOUTENABLE

Le socialisme c’est la démocratisation de l’économie qui devient un moyen au lieu d’être une fin en soi, un fétiche au-dessus des humains. Le socialisme c’est Lire la suite

Vient de paraître – Paul Ariès : La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance – Une grève générale de la consommation ?

nonfiction.fr, Fabrice Flipo, le 3 août 2010

http://www.nonfiction.fr/article-3669-p3-une_greve_generale_de_la_consommation_.htm

Vient de paraître – Paul Ariès : La simplicité volontaire contre le mythe de l’abondance – Une grève générale de la consommation ?

Résumé : Paul Ariès présente une réflexion intéressante sur l’écologie politique, la décroissance et la nécessité d’une « grève générale de la consommation ».

Paul Ariès est connu pour ses travaux et ses prises de position en faveur de la décroissance et de la gratuité. Il nous livre ici une réflexion sur la simplicité volontaire, qu’il oppose au mythe de l’abondance.

Ariès commence par résumer les enjeux du « capitalisme vert », dont il souligne à juste titre les risques, des risques qu’il juge gravement sous-estimés par les antiproductivistes (p13). Le capitalisme vert procède en cherchant à mettre en œuvre de nouvelles solutions techniques, telles que des tours géantes, plutôt que d’affronter la question des responsabilités politiques sous-jacentes à la dégradation des écosystèmes planétaires. Il entend adapter l’écologie au marché, ce qui se traduit notamment par l’apparition de « droits à polluer », dont les dérives sont largement avérées, bien avant qu’ils aient eu un quelconque effet positif sur la planète. Ariès liste dix « missiles » de « l’écologie capitaliste croissanciste » contre la possibilité même d’une pensée alternative. Ces missiles sont généralement appuyées sur des économistes, Nobel ou nobélisables, qui vont de Ronald Coase à Gary Becker en passant par Harold Hotelling. Ils ont tous en commun de chercher à démontrer que l’écologie est soluble dans le capitalisme. Ariès donne des arguments permettant de penser que tel n’est pas le cas, sauf à retourner le progrès technique contre l’humain. A ce titre les initiatives telles que Home, le film de Yann Arthus-Bertrand, sont de très mauvaises opérations pour l’écologie politique, car « ce parti-pris esthétique a une fonction : exonérer de toute responsabilité les grandes firmes »  . Home utilise ainsi une esthétique qui ne cherche qu’à transférer les responsabilités.

Ariès se demande ensuite si le productivisme n’est pas la « maladie honteuse des gauches ». Qu’est-ce que le productivisme ? Ariès s’appuie sur une définition d’Henri Lefebvre : le productivisme est le fétichisme de l’Etat et de la technicité. Que ce soit l’Association pour la taxation des transactions financières et l’aide au citoyen (Attac), le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), la Fondation Copernic ou même Alain Accardo, aucune pensée se revendiquant « de gauche » ne semble avoir réellement rompu avec ce productivisme. Ariès rappelle l’ambiguïté d’André Gorz sur la question de la technique et notamment des technologies de l’information. « L’économie de l’immatériel et le capitalisme cognitif, loin de permettre de (re)gagner du terrain sur le capitalisme et le productivisme, entraînent l’occupation des derniers territoires qui demeuraient encore un peu autonomes »  . Les gauches ne s’intéressent guère à l’agression publicitaire, par exemple. Elles se n’offusquent pas d’une vie conçue comme une somme de petits plaisirs. En acceptant le progrès technique, elles laissent entrer par la fenêtre le capitalisme sauvage qu’elles ont essayé de chasser par la porte. Que faire pour réveiller la gauche ? Ariès a « longtemps cru à la thèse du retard avant de découvrir qu’elle ne tient pas. […] Nous avons besoin de mots neufs pour réveiller les forces émancipatrices »  . La décroissance, à laquelle Ariès a consacré de nombreux textes, fait partie de ce nouvel arsenal. Pour lui, l’impasse théorique de la gauche a deux visages : le « marxisme officiel optimiste mais productiviste ; […] gauches antiproductivistes mais pessimistes »  . A contrario « la droite est (re)devenue capable de penser […]. Le capitalisme vert lui redonne une seconde jeunesse. La gauche, elle, est moribonde »  . Pour lui la solution viendrait des courants présocialistes, socialismes chrétiens, libertaires, mouvements coopératifs, Proudhon, Bakounine, Gide, Marx. Un Marx « antiéconomiste [qui] permet de comprendre que, par-delà l’extorsion de la plus value, le capitalisme est déjà condamnable au regard de son « incapacité à faire société »  . La gauche aurait donc commis plusieurs « bévues », notamment avoir fait l’éloge du capitalisme, comme libérateur des forces productives, et avoir confondu ces forces productives avec l’émancipation humaine. Ariès montre que le pouvoir d’achat n’a guère augmenté pour les ouvriers, en 1968 un mois de salaire permettait de se payer 1777 baguettes contre 1065 aujourd’hui . Sa solution ? Troquer le pouvoir d’achat pour le pouvoir de vivre.

Un antiproductivisme optimiste est-il possible ?

Dans cette quatrième partie Ariès rappelle qu’il existe un antiproductivisme populaire spontané, par exemple chez les luddites. Cette tendance existe encore, il cite des cas de refus du Lire la suite

Auto-production industrielle – Fab-labs : quand chacun fabrique ce dont il a besoin

bastamag.net,  Nedjma Bouakra, le 5 mai 2010

Auto-production industrielle

Fab-labs : quand chacun fabrique ce dont il a besoin

Pour 1% de leur prix sur le marché, des objets et outils se fabriquent dans de petits ateliers industriels utilisant allègrement logiciels libres et nouvelles technologies. Les « fabuleux ateliers », ou fab-labs, ouvrent une nouvelle voie alliant hautes technologies, auto-production, récupération et recyclage. La seule condition reste votre participation.

Nul besoin de refreiner vos désirs ou de remettre à demain ce qui vous est nécessaire aujourd’hui : faites-le vous-même ! De fabuleux laboratoires, les fab-labs (contraction de « fabrication » et « laboratory » en anglais), vous proposent de construire presque tout, de votre machine à laver à votre ordinateur sur mesure en passant par la chaise en bois au design personnalisé. Le plus souvent avec des matériaux recyclés.

Quand le consommateur devient créateur

Conçus comme des lieux de production, les fab-labs sont parfois comparés à de petites usines clés en main. A la différence de l’atelier classique, le Fab-Lab se construit en même temps que ce qu’il produit. Il s’ajuste à un projet, à la conception d’un objet ou d’une astuce technologique. Le fabuleux laboratoire se pense comme un espace dans lequel viennent se partager des compétences, des nouvelles technologies et l’art de la récup. On y trouve des outils les plus rudimentaires aux machines plus sophistiqués pilotés par des logiciels : scie, découpeuse, fraiseuse, logiciels libres et petits robots.

L’idée est née dans les années 1990 au sein d’un laboratoire de l’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT), puis a lentement mais sûrement cheminé. Ce concept, assez exotique, a pris de l’ampleur avec la popularisation des nouvelles technologies. La barrière d’usage des technologies de l’information s’est effondrée et, aujourd’hui, les Fab-labs éclosent un peu partout sur le globe, de l’Afrique du Sud à l’Islande, du Costa Rica à l’Afghanistan, jusqu’à Paris [1]. Pour son inventeur, Niel Gernshenfeld, professeur au MIT, le consommateur cesse d’être client, il devient créateur. Dans son livre, FAB, la prochaine révolution sur votre bureau [2], il affirme, utopiste, qu’au lieu « de fournir les technologies de l’information aux masses, les Fab-labs leur montrent qu’il est possible de leur donner des outils qui leur permettent de développer et de trouver des solutions technologiques locales à des problèmes locaux. »

Anti-copyright

La véritable origine d’un fab-lab, c’est une communauté de créateurs et d’entrepreneurs. Parfois spontané, ou dans le sillage des hackers, le fab-lab pousse souvent dans une nébuleuse d’activistes anti-copyrights et d’inventeurs afin de faire fructifier des savoir-faire licites et illicites. L’objectif : réaliser des prototypes innovants ou simplement utiles. Ainsi à Vitry, le « Tmp/lab » s’emploie à essaimer ses recherches et présente en open source l’avancement de ses projets. A la manière d’une poupée russe, un fab-lab peut en cacher un autre.

Dans une ancienne menuiserie du 10ème arrondissement de Paris, l’agence Nod-A, fondée par Stéphanie Bacquère et Marie-Noéline Viguié, participe à l’élaboration de Lire la suite

Positionnement de la SEPANSO sur les LGV

sepanso.org, Pierre Delacroix, Président d’Honneur de la SEPANSO, le 19 mars 2010

Positionnement de la SEPANSO sur les LGV

1.- Rappel historique

Le développement du système TGV date des années 70. A cette époque, le lancement du système avait un double but :

– D’abord, irriguer le territoire national par un réseau modernisé de chemin de fer, s’inscrivant dans une perspective volontariste d’Aménagement du Territoire.

– Ensuite, mettre ce réseau en position d’alternative à la tentation de développement d’un Réseau aérien qui aurait mis les principales métropoles du territoire national à quelques heures de la capitale. Comme on le voit, c’est une vision « hyper-centralisatrice », celle qui a dominé pendant le XIXe siècle et les trois quarts du XXe siècle.

Ces deux finalités ont eu pour effet, par leur logique de modernisation et d’aménagement du territoire, de conduire les écologistes des décennies 70-80 à juger « acceptable » le système TGV, malgré les problèmes déjà perceptibles et déjà analysés à l’époque.

Géographes et économistes discutent encore du résultat de la première option. Elle a été reconnue comme positive de façon générale, à partir des hypothèses de départ, et ce n’est que quelques décennies plus tard (disons en gros à partir de 2000) que le principal effet négatif a été mis en évidence, un effet lié très étroitement au facteur vitesse. Comme prévisible, le système a polarisé positivement les extrémités des lignes : en général, des métropoles régionales, aux dépens des pôles urbains intermédiaires sur lesquels les lignes, par définition, faisaient l’impasse.

Tout autant pour des raisons de capacité des lignes que de sécurité, la grande vitesse à la française (>250 km/h) ne supporte pas le partage des lignes avec des convois lents, malgré les affirmations de ses défenseurs. Il n’existe aucun cas de ce genre en France. Cela ne serait possible qu’avec des vitesses telles que celles pratiquées par nos voisins européens. Cette vitesse élevée impose également une distance de séparation des voies[1] un peu plus importante que sur les lignes classiques afin de limiter les effets de souffle lors des croisements. Ceci a conduit à vouloir créer systématiquement des lignes nouvelles dédiées à la grande vitesse plutôt que de réutiliser le réseau existant.

Compte tenu des contraintes de pente et de courbure imposées par la grande vitesse d’exploitation recherchée, la construction de lignes nouvelles à grande vitesse occasionne des dommages environnementaux très importants et totalement irréversibles sur leur tracé, et impose des contraintes très lourdes (altération des paysages, coupures de voirie, bruits et vibrations, dépréciation du foncier) aux nouveaux riverains qui, des lignes nouvelles, ne subissent que les inconvénients. En effet, non seulement ils ne bénéficient pas de la desserte par TGV qui sera réservée aux métropoles situées aux extrémités des lignes, mais encore ils perdent la qualité du service jusque là offert par le réseau classique puisque les efforts financiers très importants consentis en direction des lignes nouvelles se traduisent systématiquement par un abandon progressif des lignes qui assuraient la desserte fine des territoires.

Aujourd’hui, les Régions ont pris le relais pour les dessertes locales, Le système des TER s’efforce de compenser non sans difficultés la polarisation des villes extrêmes. Mais c’est une des raisons qui a soulevé peu à peu, et de plus en plus vigoureusement, une profonde remise en cause des LGV par les populations régionales, réduites à Lire la suite

Dossier le Monde magazine sur les écolo-sceptiques – Les orphelins du progrès

lemonde.fr, Laurent Carpentier, le 26 mars 2010

Les orphelins du progrès

Dans sa petite bibliothèque des horreurs, Jean-Paul Krivine a rangé homéopathes, militants anti-OGM, agriculteurs biodynamiques, sourciers et chiropracteurs au même rayon que les anti-évolutionnistes à crucifix et les amateurs d’ovni. A la tête de l’AFIS, l’Association française pour l’information scientifique, cet « ingénieur en intelligence artificielle » est un rationaliste qui bataille contre le plus grand risque qui puisse, selon lui, nous frapper : la remise en question de sa sainte trinité, « progrès, humanisme et universalité ».

L’homme est nerveux. Il se demande ce que je lui veux. J’ai bien précisé au téléphone que la revue dont il est le rédacteur en chef, Science et pseudo-sciences, m’avait il y a deux ans étrillé pour un reportage en Suède à la rencontre de ces « électro-sensibles » qui fuient dans les forêts les ondes des portables et de la Wi-Fi. Crime de lèse-science : la revue expliqua comment je manipulais le lecteur, l’amenant à penser qu’une technologie inoffensive pouvait être un risque pour la santé. Disons-le simplement : je n’ai pas d’avis sur la dangerosité des ondes. Et je n’ai pas pris rendez-vous avec Jean-Paul Krivine pour régler des comptes mais pour tenter de comprendre d’où vient ce sentiment de citadelle assiégée qui l’anime.

« LE PRINCIPE D’INCERTITUDE »

« Nous sommes un lobby rationaliste raisonnable, explique-t-il scrupuleusement. Parce que je crois en la notion de progrès. Parce que je ne crois pas que la nature soit bonne. Parce que l’on vit aujourd’hui plus longtemps et en meilleure santé qu’autrefois et que, lorsque sa voiture est en panne, on ne va pas dans un garage alternatif. » Réponse tranchée ? Certes, mais expression d’un malaise qui traverse la recherche française, écartelée entre le primat de l’ingéniosité humaine promettant des lendemains toujours meilleurs et l’émergence, mise en lumière par la crise climatique, d’un sentiment nouveau de finitude du monde. Hors de la science, point de salut ?

Il aura suffi d’un hiver froid pour que les tenants de la suprématie du génie humain reprennent du poil de la bête. Le Mythe climatique, titre le mathématicien Benoît Rittaud (Le Seuil), L’Imposture climatique, confirme Claude Allègre (Plon), CO2 un mythe planétaire, ajoute Christian Gerondeau (Editions du Toucan). Et dans Libération, Pascal Bruckner, nouveau philosophe devenu néoconservateur, dénonce ces climatologues qui jettent le discrédit sur notre modèle de société : « Un nouvel obscurantisme se propage qui avance sous le masque de la science. (…) Sur le thème de l’effroi, une tribu de pythies, mages, utopistes, vaticine et menace. Il manque à ces prophètes de se soumettre aux bénéfices du doute et d’inclure dans leurs prédictions le principe d’incertitude. » Un simple renversement du baromètre et ce n’est pas seulement le spectre du réchauffement climatique qui repart aux oubliettes mais tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une critique de notre modèle de société.

AU COIN DU BON SENS

« Pourquoi voulez-vous un développement durable? Notre développement est durable« , s’amuse Christian Gerondeau, de ses mots toujours « frappés au coin du bon sens ». Ne croyez pas que ce robuste et charmant giscardien soit le représentant d’un lobby, ce n’est pas vrai. Oui, bon, d’accord, il reçoit dans ses bureaux à l’Automobile club, mais son livre, CO2 un mythe planétaire, n’est pas du tout le brûlot qu’il semble être, où Al Gore serait décrit comme un « charlatan » et les travaux de Nicholas Stern ne reposeraient « sur aucun chiffrage sérieux ». Non, Christian Gerondeau est un ingénieur, « c’est-à-dire quelqu’un qui regarde les faits et en tire des conclusions ». Son père, son grand-père avant lui, son fils, sa petite-fille après lui… Tous ont fait Polytechnique. Lui-même en est sorti en 1957 pour l’Ecole des ponts et chaussées. Un pedigree qui ne pousse pas à la remise en cause. « Les gens qui ont faim, qui logent dans des huttes et dont les enfants meurent, veulent tous se développer… », déclame-t-il, plein de sa propre sagesse.

Christian Gerondeau est le parangon de cette classe sociale d’ingénieurs née de la révolution industrielle, qui conquit d’abord le pouvoir technique, puis le pouvoir social et enfin politique. Et d’affirmer, dépositaire assumé d’une modernité prospère : « On sous-estime toujours la capacité du progrès technique! Ne nous posons pas aujourd’hui les problèmes de demain. »

« DES GENS DANGEREUX »

Aux gémonies, ces nostalgiques passéistes qui prônent le ferroutage, s’opposent au nucléaire ou firent interdire le DDT, causant, dit-il, Lire la suite

Le père Noël ne passera pas à Copenhague ! ou la gouvernance de l’échec

portaildurisque.over-blog.com, Michel Lesbats, le 23 décembre 2009

Le père Noël ne passera pas à Copenhague ! ou la gouvernance de l’échec

Dans les domaines de la gouvernance globale l’heure était à la remise en cause des modèles dominants : la « réalité » géopolitique, la force, l’économie devait être tempérées par l’écologie et le social au niveau mondial. De plus la crise financière récente  devrait nous inciter à prendre le virage. Le GIEC, MM. Gore et Obama ne venaient ils pas d’obtenir le prix Nobel de la Paix ?

Quelle occasion d’espérer que le monde progresse par « bifurcation » et se mette sur les rails du changement de mentalités et de comportements en se montrant exemplaire au niveau de la gouvernance mondiale. Même l’apparition récente des climato-sceptiques semblait être le dernier sursaut d’une société  « has been  » qui avait vécue et que tout le monde (en Europe) semblait vouloir abandonner.

Quelle erreur collective d’appréciation : il est d’actualité de dire que nous croyions tous au Père Noël– le sommet de Copenhague  a servi de plateforme géopolitique et économique aux hommes d’affaires et aux politiques qui les soutiennent… un G20  pour régler des petits problèmes entre amis, sans se préoccuper de l’intérêt général. Tout le monde, à quelques exceptions près, n’a vu que ses intérêts géostratégiques et s’est intéressé qu’à son « petit commerce » ! Les intérêts particuliers des Etats et/ou des marchands priment, une fois de plus, sur l’intérêt général : espérons que cela ne soit pas une fois de trop !

Quelle déception pour les peuples pragmatiques, quelle victoire pour les gouvernants et les affairistes dominants. La rationalité est désormais du coté des peuples éclairés puisque la diplomatie internationale (ONU) qui devait nous accompagner pour changer le monde a accouché d’une souris.

Les Grands de ce Monde ont désormais perdu toute crédibilité et attitude de rationalité aux yeux des Petits. Comment cela sera – il perçu et analysé dans quelques années par les peuples qui seront inévitablement touchés directement ou indirectement par le réchauffement climatique et ses cascades d’effets associés… cet échec va accentuer le nombre de morts et de réfugiés sur la planète… tout le monde le sait !

Le crime contre l’Humanité  pourrait se découvrir deux nouvelles modalités dans les années qui viennent : l’ « inconscience écologique » et la « délinquance écologique mondiale » qui va tuer des millions de personnes, des espèces de la biocénose et de nombreux écosystèmes qui les hébergent – cette modalité devrait permettre, à terme, de condamner les Grands de la  planète, y compris lorsqu’ils  «auront pêché par omission de prendre des décisions ».

Comment mobiliser et demander aux entreprises et aux citoyens français de consentir et d’accentuer les efforts en matière d’écologie sans les contraindre trop…  alors que d’autres vont ruiner ces efforts en quelques semaines aux Etats Unis, en Chine ou en Inde et que le comportement incontrôlé de ces derniers vont de toutes les façons nous précipiter vers la catastrophe ?

Pas mal d’argent et d’intelligence ont été gaspillé ces derniers temps pour mobiliser les « citoyens éclairés » et organiser le Sommet de Copenhague ; cela aurait été mieux utilisé à la prévention sur le terrain du drame humain qui se prépare.

Le Président Sarkozy lui même pensait que le sommet ne pouvait pas échouer parce que Lire la suite

Copenhague : Le mouvement altermondialiste promis à un bel avenir !

copenhague.blogs.liberation.fr, Ronack Monabay (UCJS : Urgence climatique, justice sociale), ; le 13 décembre 2009

Le mouvement altermondialiste promis à un bel avenir !

La manifestation internationale du 12 décembre a été un succès. Plus de 100.000 personnes du monde entier se sont jointes à cette mobilisation unitaire. Au total, 538 organisations de 67 pays ont répondu à l’appel. C’est sous un soleil bienvenu, que le cortège coloré, et son lot de vélos comme c’est la tradition au Danemark, s’est rendu au Bella Center, lieu des négociations officielles. On pouvait lire sur les banderoles et les pancartes de nombreux slogans radicaux tournant autour de l’idée suivante: «Climate Justice means System Change not Climate Change».

On m’a demandé à plusieurs reprises, en tant que membre de l’équipe organisatrice du Klimaforum09, de m’exprimer sur la répression injustifiée qui a eu lieu lors de cette manifestation. Mais se limiter à ces seuls aspects conduirait à se détourner d’une mobilisation massive de fond et des vrais enjeux climatiques qui se jouent à Copenhague, en insistant encore et toujours sur les relations entre police et manifestants. Ce n’est pas un hasard si dimanche pour la première fois les écrans du Bella Center ont diffusé en continu des images de l’extérieur (et non pas des conférences comme c’est le cas habituellement), en l’occurrence celles des arrestations, comme pour assener l’idée que les mobilisations citoyennes sont vouées aux débordements et nier les messages portés des heures durant dans la marche par 100.000 personnes.

Certains médias auraient pu, s’ils l’avaient voulu, évoquer la franche solidarité des centaines de manifestants qui ont refusé de poursuivre la manifestation afin de soutenir les personnes injustement arrêtées, en interpellant les policiers qui constituaient le cordon par des slogans tels que «Let them go». Une action improvisée devant les lignes de la police interloquée par cette attitude bon enfant mais déterminée, le tout alimenté par les rythmes des «sambactivistes»…

Au-delà, cette manifestation est la preuve que les mouvements sociaux rejoignent largement désormais la bataille pour la justice climatique et constitue à ce titre un renouvellement du mouvement altermondialiste. Les mouvements sociaux et les mouvements environnementaux font en effet désormais front commun. Le bloc massif «System Change Not Climate Change» regroupait des mouvements divers tels que les Amis de la Terre, Attac, les réseaux Climate Justice Now! et Climate Justice Action, la Via Campesina et de nombreuses organisations du Sud comme Jubilee South ou Focus on the Global South.

Ces organisations ont défilé pour réclamer un véritable accord contraignant ne s’appuyant pas sur les fausses «solutions» qu’elles reposent sur le marché –dont les récentes crises devraient prouver à tous son inefficacité- ou qu’elles soient technologiques (OGM, agrocarburants, nucléaire, …). La reconnaissance des droits des peuples autochtones -notamment leur droit à participer réellement aux négociations- et celle de la dette écologique étaient également à l’ordre du jour. Derrière toutes ces revendications, c’est bel et bien la logique capitaliste qui est remise en cause et ce d’autant plus que les grandes entreprises ont envahi la ville de leurs logos et le Bella Center de leurs lobbyistes. Le grand prix de la Sirène en colère récompensera le 15 décembre l’entreprise ou le lobby qui a eu l’action la plus néfaste (efficace?) pour bloquer les négociations.

Pendant ce temps là au Klimaforum, le contre sommet de la société civile, une déclaration des mouvements sociaux également intitulée «System Change not Climate Change» a enfin été finalisée. Signée par près de 300 organisations en moins de 3 jours, elle sera présentée prochainement dans des modalités qui restent à déterminer au sein de la COP15. Depuis plusieurs mois, via un forum internet des personnes du monde entier ont envoyé leurs contributions autour d’un ou plusieurs des neuf thèmes du Klimaforum. Une partie de l’équipe du Klimaforum a synthétisé l’ensemble des propositions en rédigeant un premier document, lequel a été soumis à l’ensemble des participants qui ont alors renvoyé leurs commentaires et amendements, permettant la rédaction d’un second document.

Enfin, lors des séances plénières et ateliers des trois premiers jours, toutes les personnes qui le souhaitaient ont pu participer à la finalisation du document. Au terme d’une dernière séance épique, l’ensemble de l’assemblée s’est finalement mis d’accord sur une déclaration finale. Celle-ci est novatrice à plusieurs niveaux. Premièrement, à l’image de la manifestation, elle a rassemblé, les mouvements environnementaux et sociaux et par la même tissé des liens forts entre les questions écologiques et sociales. Si ce n’est pas la première fois, cette alliance très large est révélatrice d’une dynamique renforcée.

Deuxièmement, si elle s’est avérée beaucoup plus longue que les déclarations issues des Forums Sociaux Mondiaux, elle n’en est que plus précise. Radicale tant sur l’état des lieux qu’elle dresse de la situation -une crise multidimensionnelle qui voit converger chaque crise du capitalisme dans sa séquence libérale, elle se veut également source de proposition pour une transition vers des sociétés durables: abandon des énergies fossiles, Lire la suite

Jean-Paul Besset (Europe Ecologie) face à Pierre Moscovici (PS) : «Vive la sociale» ou «sauvons la planète» ?

hebdo.nouvelobs.com, Daniel Cohn-Bendit, Guillaume Malaurie, Maël Thierry, le 3 décembre 2009

Jean-Paul Besset (Europe Ecologie) face à Pierre Moscovici (PS)

«Vive la sociale» ou «sauvons la planète» ?

Taxe carbone contre pouvoir d’achat, croissance contre décroissance, progressisme contre environnementalisme… Entre écologistes et socialistes, l’échange est vif

Le Nouvel Observateur. – Vous avez politiquement grandi l’un et l’autre dans la religion du progrès servie par une croissance éternelle et une nature inépuisable. Et pourtant, à gauche, René Dumond, Edgar Morin, André Gorz ou… Serge Moscovici tiraient très tôt la sonnette d’alarme sur l’inévitable crise de ce modèle trahi par la finitude des ressources. On y est. Pourquoi un tel retard à l’allumage ?

Jean-Paul Besset. – Ce constat-là vaut tout autant pour la gauche que pour la droite. Ces deux grands courants idéologiques sont issus, pour aller vite, de la même matrice : la révolution industrielle. La grande ligne de clivage, c’était la répartition des fruits de cette croissance. Et c’est l’honneur de la social-démocratie d’avoir su utiliser cette richesse pour développer la justice sociale et forger les bases de l’Etat-providence. Mais quand cette manne de la croissance conçue comme une vis sans fin vient à disparaître sous l’impact de la crise écologique, la social-démocratie, qui fut la grande aventure de ces deux derniers siècles, arrive à bout de souffle.

Pierre Moscovici. – Vous semblez considérer que le clivage gauche-droite n’est plus pertinent. Et moi, je continue de penser qu’il l’est, peut-être plus que jamais face à un président liquidateur comme Nicolas Sarkozy ! La question écologique est certes essentielle, mais je ne crois pas du tout que la question sociale soit éteinte. Je note d’ailleurs que les pères de l’écologie qui étaient évoqués, vous avez cité à juste titre le mien, se situent tous dans le champ culturel de la gauche. Je reconnais bien volontiers que le manque d’appétence des socialistes pour l’approche écologique s’explique par leur passé ouvriériste, productiviste ou étatiste. L’avenir, aujourd’hui, je suis d’accord, c’est la social-écologie. Mais pas le dépassement de la gauche et de la droite.

J.-P Besset. – Ne faites pas comme si l’écologie politique ignorait la question sociale, dont vous seriez propriétaire ! Moi aussi, j’ai la question sociale rivée au cœur, mais elle est désormais indissociable de la question écologique. Les inondations, les sécheresses, les cyclones, les mers qui se dépeuplent, les forêts qui reculent et les déserts qui avancent, ça concerne quand même 60% de la population mondiale. La vraie question sociale contemporaine, massive, intolérable, elle est là !

N. O. – Et sur la croissance, verte ou grise, forte ou faible, vous pouvez trouver un langage commun ?

P. Moscovici.

Ce dont je suis sûr, c’est que nous avons toujours besoin de croissance. Prenons l’exemple de la France : il y a 3,7 millions de chômeurs, des déficits publics de 140 milliards d’euros, une dette publique équivalente à 82% du PIB. Je ne sais pas comment nous pouvons résorber ces gouffres financiers, investir dans des programmes écologiques lourds et réduire le chômage sans un taux de croissance significatif. Tout le défi est là : il faut à la fois Lire la suite

Naomi Klein : Le passage à l’âge adulte des militants de Seattle sera désobéissant

mouvements.info, Naomi Klein, le 23 novembre 2009

Le passage à l’âge adulte des militants de Seattle sera désobéissant

Le sommet de Copenhague s’ouvrira quasiment 10 ans jour pour jour après que quelques milliers de militants ont bloqué le sommet de l’OMC à Seattle – le « coming out » d’un nouveau mouvement, dont Copenhague marquera le passage à l’âge adulte. Adulte, mais désobéissant, nous explique Naomi Klein.

L’autre jour, j’ai reçu une copie promotionnelle du livre « La bataille de l’histoire de la bataille de Seattle » par David et Rebecca Solnit. Le livre doit paraître 10 ans après qu’une coalition historique d’activistes ait réussi à bloquer le sommet de l’OMC à Seattle – l’étincelle qui a déclenché un vaste mouvement global contre les multinationales.

Le livre est un récit passionnant de ce qui s’est vraiment passé à Seattle. Mais quand j’ai discuté avec David Solnit, le gourou de l’action directe qui a aidé à organiser le blocage, je l’ai trouvé moins intéressé à nous remémorer ce qui s’est passé en 1999 qu’à parler du futur Sommet de Copenhague des Nations Unies sur le changement climatique et des actions pour la justice climatique qu’il contribue à organiser aux USA le 30 novembre prochain. « C’est clairement un événement de type Seattle », m’a-t-il dit. « Les gens sont prêts à tout renverser« .

De fait, la mobilisation pour Copenhague a quelque chose de Seattle : l’éventail des groupes impliqués, la diversité des tactiques qui seront mises en œuvre, comme le fait que les gouvernements de pays du Sud soient prêts à relayer les revendications des militants à l’intérieur du sommet lui-même. Mais Copenhague ne sera pas uniquement un autre Seattle. Il semble plutôt que les plaques tectoniques se déplacent, créant ainsi un mouvement qui construit à partir des forces issues d’une ère antérieure, tout en apprenant de ses erreurs.

Le mouvement que les médias s’obstinèrent à nommer « anti-mondialisation » a vivement été critiqué comme ne proposant qu’une liste fourre-tout de griefs, et très peu d’alternatives concrètes. Le mouvement qui va converger à Copenhague n’est en revanche focalisé que sur un seul sujet : le changement climatique. Il tisse par contre un récit cohérent sur ces causes et remèdes, qui intègre pratiquement tous les problèmes qui se posent de par le monde.

Dans ce récit, le climat ne change pas seulement à cause de pratique polluantes spécifiques, mais à cause de la logique sous-jacente du capitalisme, qui favorise le profit à court-terme et la croissance perpétuelle par-dessus tout. Nos gouvernements voudraient nous faire croire que cette même logique peut servir à résoudre la crise climatique – en créant un nouveau produit commercialisable appelé « carbone » et en transformant les forêts vierges et terres arables en puits censés compenser les émissions incontrôlées (runaway).

Les militants présents à Copenhague répondront que, loin de résoudre la crise climatique, le marché carbone représente une privatisation sans précédent de l’atmosphère, et que les compensations et puits menacent de déboucher sur un pillage des ressources d’ampleur coloniale. Ces solutions basées sur le marché ne vont pas simplement échouer à résoudre la crise climatique : leur échec augmentera de manière dramatique la pauvreté et les inégalités, parce que les plus pauvres et les plus vulnérables sont les premières victimes du changement climatique – en même temps qu’ils sont les premiers cobayes de ces marchés carbone.

Mais les militants présents à Copenhague ne se contenteront pas de refuser tout cela. Avec détermination, ils vont Lire la suite

Nanotechnologies : Le débat public sur les enjeux de ces particules microscopiques fait étape à Bordeaux

sudouest.com, Bernard Broustet, le 3 Novembre 2009

NANOTECHNOLOGIES. Le débat public sur les enjeux de ces particules microscopiques fait étape à Bordeaux

L’infiniment petit en débat

Après Strasbourg, Toulouse et Orléans, et avant une dizaine d’autres villes françaises, Bordeaux accueille ce soir l’un des épisodes du long débat public sur les nanotechnologies. Lancée par le gouvernement dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, cette série de rencontres vise à faire le point sur la nature, les enjeux et les risques de ces technologies de l’infiniment petit. Présidée par Jean Bergougnoux, ancien patron de la SNCF, la commission en charge de l’organisation de ce débat n’a pas vocation à prendre des décisions. Il s’agit pour elle de faire en sorte que les points de vue puissent s’exprimer et que l’opinion soit éclairée, dans toute la mesure du possible.

Les nanotechnologies consistent à travailler sur la matière à une échelle de l’ordre de quelques milliardièmes de mètre. à cette dimension, les propriétés de la matière (résistance mécanique, étanchéité, etc.) peuvent profondément se modifier.

D’ores et déjà, des nanomatériaux sont utilisés à des fins diverses. Certaines crèmes solaires contiennent ainsi, par exemple, des nanoéléments d’oxyde de titane, qui permettent d’en améliorer la tenue à l’eau. Des pansements contiennent du nanoargent car les propriétés bactéricides de ce métal sont encore accrues par cette extrême miniaturisation. Des nanoparticules fluorescentes et des nanomédicaments ont commencé à faire leur apparition en médecine pour améliorer les techniques de détection et de traitement de certaines affections (tumeurs, etc.).

A priori, le potentiel des nanosciences et des technologies semble d’autant plus considérable qu’il recouvre une très vaste gamme de substances et de matériaux.

Les nanotubes prometteurs

L’Aquitaine est ainsi, par exemple, d’ores et déjà une terre d’élection des « nanotubes de carbone » dont il sera, entre autres, question ce soir. La dimension nanométrique et la structure de ces tubes accroît les capacités déjà bien connues du carbone en termes de résistance mécanique. Les nanotubes se caractérisent ainsi par leur extraordinaire capacité d’absorption de l’énergie.

Ces nanotubes font l’objet de recherches fondamen tales au sein du laboratoire CRPP (CNRS) de Pessac, où une vingtaine de salariés et de doctorants s’emploient, autour de Philippe Poulin et de Cécile Zakri, à développer des recherches sur des fibres constituées à partir de ces particules nanométriques de carbone. Associées à des polymères dans des matériaux composites de nouvelle génération, ces fibres pourraient, demain, entrer, par exemple, dans la composition de vêtements de protection (casques, gilets pare-balles, etc.). Mais, du fait de leur extrême légèreté et de leurs propriétés conductrices, les nanotubes pourraient aussi trouver des débouchés dans l’aéronautique (matériaux antigivre et antifoudre, etc.), voire dans le photovoltaïque.

Arkema, pionnier en Béarn

La position de la région apparaît d’autant plus forte dans ce domaine que le groupe chimique Arkema, issu de Total, a choisi le Béarn pour développer cette filière. Le GRL (Groupe de recherches de Lacq), qui est un de ses principaux centres de recherche, a ainsi développé un procédé de fabrication de nanotubes de carbone (matière première des futures fibres) à partir de bioéthanol issu de céréales. Et l’usine voisine de Mont, appartenant elle aussi à Arkema, va lancer la construction d’un « pilote industriel » de production, reposant sur la technologie du GRL, et qui pourrait produire 400 tonnes de nanotubes à l’horizon 2011. L’ensemble de ce potentiel technique et scientifique aquitain, qui repose aussi, notamment, sur l’École nationale de chimie (ENSCPB) de Bordeaux, est regroupé au sein de la plate-forme Canoë, appuyée par le Conseil régional.

Mais, au-delà de leurs promesses, Lire la suite

Technologies de l’information : quels impacts environnementaux et sociétaux ?

novethic.fr, Anne Farthouat, le 24 juillet 2009

Technologies de l’information : quels impacts environnementaux et sociétaux ?

Fabrice Flipo est Maître de conférences en philosophie à l’école Télécom et Management, où il anime également le groupe de recherche « l’ambivalence des TIC numériques dans la globalisation ». Il revient sur l’impact environnemental et sociétal des TIC.

Peut-on quantifier l’impact environnemental des technologies de l’information et de la communication (TIC) ?

Fabrice Flipo. Le cabinet de consulting américain Gartner l’a fait en 2007. Il affirmait à l’époque que le secteur représentait 2% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) mais cela dépend du périmètre que l’on étudie. Si l’on s’en tient aux strictes télécoms, que sont Internet et la téléphonie, c’est un chiffre certainement valable. Mais aujourd’hui, les TIC sont partout. On trouve des puces électroniques dans nos voitures par exemple. En élargissant le périmètre à l’ensemble des TIC, je pense que l’on peut atteindre facilement les 53 ou 54% !

Concrètement, comment cela se traduit-il ?

Fabrice Flipo. L’impact des TIC sur l’environnement provient essentiellement de la forte consommation d’énergie du secteur. D’après un rapport du Conseil général des technologies de l’information, les TIC pèsent 13,5% de la consommation électrique française. Cette consommation implique des  émissions de CO2 mais ce n’est pas le seul impact. Il faut également considérer les matériaux utilisés pour leur fabrication. Ce sont surtout des matériaux épuisables, comme le lithium qui entre dans la composition des batteries. Sa raréfaction a d’ailleurs entraîné une flambée des prix sur le marché.

La question des déchets électroniques et de leur gestion devient donc primordiale. En France, nous sommes très en retard sur le sujet. A vrai dire, on ne sait pas trop où nos déchets finissent. Il faut savoir que nous produisons chaque année 16 kg de déchets électriques et électroniques ménagers par habitant, même si les TIC représentent une petite partie seulement de ce total. Au final, cela représente environ un million de tonnes annuelles. Or, dans le cadre de la directive européenne DEEE, il nous était imposé d’en recycler au moins 4 kg/hab/an fin 2006. Aujourd’hui, nous arrivons à peine à en traiter 2,5. C’est dire si cette directive a été bien transposée en France !

Le secteur semble pourtant s’engager dans la voie du développement durable, notamment en investissant dans les Green IT, ces technologies vertes que l’on qualifie souvent d’informatique « écologique ». Cet engagement est-il réel et global ?

Fabrice Flipo. Effectivement, quand Gartner a sorti son rapport, les constructeurs l’ont vécu comme une sorte d’électrochoc. Le consultant mondial le plus reconnu dans le domaine leur annonçait quand même que les TIC émettaient autant de GES que le transport aérien ! Du coup, certains ont réellement intégré les enjeux du développement durable dans leur stratégie. C’est le cas du Lire la suite

Taxe carbone : un outil majeur contre le réchauffement

tregouet.org, René Trégouët, Sénateur honoraire, Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat, le 6 mars 2009

Édito : Taxe carbone : un outil majeur contre le réchauffement et pour une croissance durable

Dans le projet de budget des Etats-Unis transmis le 26 février au Congrès, sous le titre ’A new era of responsibility’, la Maison Blanche, dans une annonce qui marque un tournant historique, a décidé que la lutte contre le changement climatique financera l’aide sociale et les énergies renouvelables. Concrètement, le Président Obama souhaite la création en 2012 d’un marché des émissions de gaz carbonique de type « Cap and Trad », pénalisant les gros pollueurs, qui devrait générera 80 milliards de dollars chaque année, dont 65 seront affectés aux foyers modestes et aux entreprises pour aider à la transition vers une économie fondée sur l’énergie propre ; les 15 autres iront aux « technologies pour une énergie propre ».

En France, il y a quelques semaines, à l’occasion de l’annonce récente d’une réforme de la Taxe Professionnelle, l’idée d’une « taxe carbone », déjà évoquée au cours du « Grenelle » de l’environnement, a ressurgi dans les propos du chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy a en effet évoqué cette taxe carbone comme outil possible de substitution à la Taxe Professionnelle. Le principe est de taxer ce qui pollue et à l’inverse de moins taxer le travail et les investissements.

La taxe carbone – baptisée « contribution climat-énergie » – s’appliquerait à tous les produits en fonction de leur contenu en CO2 (dioxyde de carbone, principal responsable du réchauffement climatique), notamment aux carburants fossiles (pétrole, gaz, charbon). En faisant payer la pollution et les émissions de CO2 – sans augmenter la fiscalité globale – on espère induire progressivement un changement de comportement de la société, de nouveaux modes de consommation et de production « propres ».

L’idée de la contribution climat-énergie fait lentement mais sûrement son chemin : elle fera ainsi l’objet dès mars d’une conférence d’experts chargée d’étudier sa faisabilité sans altérer le pouvoir d’achat des ménages ni attenter à la compétitivité des entreprises. Ils remettront leurs conclusions au Premier ministre dans les six mois.

« Sur la base d’une tonne de CO2 à 32 euros – et en exonérant les secteurs déjà soumis aux quotas européens de CO2 – la taxe carbone rapporterait 8 milliards par an – 3 mds des ménages (taxés sur leur consommation directe et indirecte d’énergies polluantes) et 5 mds des entreprises », indique Alain Grandjean, économiste de la fondation Nicolas Hulot et l’un des experts de la taxe carbone en France. Il reste que, sous l’effet de la crise financière et économique, le prix de la tonne de CO2 est tombé en quelques mois à Lire la suite

Joseph Stiglitz et Nicholas Stern : Pour une relance verte

contreinfo.info, Joseph Stiglitz et Nicholas Stern, le 6 mars 2009

Publication originale Financial Times, le 2 mars 2009, traduction Contre Info

Pour une relance verte

Cette grande liquidation d’un capitalisme financier qui avait pour moteur l’accumulation de la dette et l’inflation des actifs sera à coup sûr une épreuve douloureuse. Mais c’est aussi une chance. Car elle offre la possibilité de refonder la croissance et le modèle de développement, en s’attaquant à cette autre crise bien plus grave qui menace : le réchauffement climatique. Encore faut-il que les centaines de milliards engagés par les Etats dans le monde entier ne soient pas « brulés » uniquement pour éponger les pertes de créances douteuses – ce qui revient à subventionner les fautifs et les spéculateurs – mais investis utilement dans les technologies vertes et la décarbonation de nos sociétés. Stiglitz et Stern plaident pour une croissance verte et réclament l’instauration d’un prix sur les émissions de carbone. Tous deux estiment que la nouvelle administration Obama porte une responsabilité importante : mettre fin au blocage américain sur la lutte contre le réchauffement et impulser un accord mondial en la matière au prochain sommet de Copenhague.

Nous sommes confrontés à deux crises : une profonde crise financière mondiale, provoquée par une mauvaise gestion du risque dans le secteur financier, et une crise climatique encore plus grave dont les conséquences, si elles peuvent sembler plus lointaines, seront déterminées par les mesures que nous prenons aujourd’hui.

Le risque posé par le changement climatique est à la fois très différent et de bien plus grande ampleur, tout comme le seraient ces conséquences si nous ne le gérions pas correctement ou tentions de l’ignorer. Les États-Unis disposent quant à eux d’une fenêtre d’opportunité pour agir sur la crise financière et dans le même temps, jeter les bases d’une nouvelle période de croissance fondée sur les technologies qui permettront l’avènement d’une économie sobre en carbone.

Le président Barack Obama, lors de son discours au Congrès sur le budget la semaine dernière, a expliqué que nous devions répondre à ces deux défis et a décrit les bases d’une approche globale. Le leadership des États-Unis pourrait donner le jour à une action résolue de l’ensemble du monde, rendant possible de parvenir à un accord qui soit à la hauteur des risques encourus lors de la conférence de l’ONU sur les changements climatiques qui se tiendra à Copenhague en décembre.

Nous sortirons finalement de cette crise financière, bien que des erreurs de pilotage puissent influer sur sa gravité et sa durée. Mais concernant les risques de la crise climatique, de telles erreurs pourraient être irréversibles. Comme Joseph Stiglitz l’écrit dans son ouvrage « Making Globalization Work », si nous disposions d’un millier de planètes, nous pourrions poursuivre cette expérience téméraire dans laquelle nous sommes engagés, et en changer si se produisait la catastrophe vraisemblable. Malheureusement, nous ce luxe n’est pas le nôtre : nous n’avons qu’une seule planète.

La crise financière est née de la bulle du marché immobilier et a été précédée par la bulle internet. Nous ne pouvons pas les remplacer par une nouvelle bulle. Les investissements nécessaires pour convertir notre société à une économie sobre en carbone – des investissements qui peuvent changer la façon dont nous vivons et travaillons – pourraient fournir le moteur de la croissance pour les deux ou trois prochaines décennies. Il garantiraient que la croissance et les améliorations induites de niveau de vie soient durables. La voie que nous avons emprunté jusqu’alors ne l’est pas. Lire la suite

Jean Zin : Programme minimal d’un système alternatif

agoravox.fr, Jean Zin, le 27 janvier 2009

Programme minimal

On rêve de tous côtés d’un après-capitalisme qui reste complètement mythique alors que ce qui se met en place pour l’instant ce n’est qu’une régulation minimale du système, son renforcement beaucoup plus que sa remise en cause, même s’il y a des inflexions notables vers plus de justice sociale ainsi qu’une totale déconsidération des classes supérieures et de leur cynisme, considérées désormais comme aussi parasitaires et inutiles que la noblesse a pu l’être aux tout débuts de la révolution industrielle !

Certes, pour le moment on est encore dans « l’avant-guerre », avant les « événements » qui se multiplient un peu partout, avant que les conséquences de l’effondrement ne se fassent sentir socialement dans la vie de tous les jours. Pour l’instant tout cela reste abstrait, de l’ordre de l’événement médiatique qu’on proclame si facilement historique voire révolutionnaire alors qu’on avait perdu la notion même d’événement dans un monde où plus rien ne semblait pouvoir changer.

L’histoire risque de bousculer ces trop beaux ordonnancements et la catastrophe engendrer des possibilités nouvelles mais il n’y a jamais création ex nihilo. Les révolutions s’inspirent inévitablement de philosophies et d’expériences révolutionnaires précédentes plus qu’elles n’en inventent de toutes pièces. On part toujours de quelque part. Il n’est donc pas inutile de faire un état des lieux des propositions qui émergent pour l’instant afin de tenter d’évaluer leur portée et tirer le maximum du peu de potentialités révolutionnaires qu’elles laissent.

Il faut bien dire que, pour l’instant, en fait de révolution, ça ne va pas très loin ! Même s’il y a un sensible retour des idées révolutionnaires, il y a bien peu de gens qui souhaitent une étatisation de l’économie avec suppression du marché et rationnement généralisé. Encore moins voudraient sortir de l’économie industrielle ! D’un autre côté, il y en a peut-être moins encore qui se projettent dans le futur d’un mode de vie plus écologique et d’une ère de l’information qui commence à peine…

Les revendications qui émergent actuellement apparaissent très décevantes, on ne peut plus réformistes quand elles ne se cantonnent pas à la régulation du système financier. On peut penser que leur ensemble dessine malgré tout un autre modèle relativement révolutionnaire par rapport à la situation précédente, et qu’on pourrait comparer au programme du Conseil National de la Résistance d’où est née la Sécurité Sociale, bien qu’avec moins de cohérence et d’ambition (puisque les conventions collectives avaient l’ambition de sortir du marché du travail par des niveaux de salaires négociés en fonction du poste et des diplomes). Ce n’est pas la prise du palais d’hiver, non, ni la fin du capitalisme et plutôt une nouvelle de ses multiples métamorphoses comparable au fordisme des 30 glorieuses, mais ce ne serait déjà pas si mal quand même et presque une révolution si on pousse un peu au-delà. En tout cas il m’a semblé utile d’essayer d’en faire une liste minimum qui puisse trouver un large accord, à compléter mais en restant dans l’essentiel, et comment dans ce cadre aller un peu plus loin.

J’ai assez souvent martelé, en long, en large et en travers, ce qui me semblait, à la suite d’André Gorz, la condition d’alternatives locales à la globalisation marchande : revenu garanti, monnaies locales et coopératives municipales. De même, comme Jacques Robin et le Grit, j’ai toujours insisté sur la nécessaire prise en compte de l’ère de l’information et du devenir immatériel d’un travail où l’autonomie est devenue centrale. Il s’agit de voir comment ces orientations peuvent s’insérer dans les revendications plus traditionnelles et les mesures plus globales.

Le renversement du communisme dans son contraire nous rend certes moins naïfs que les anciens révolutionnaires. C’est un acquis historique et cognitif qui est décisif. Dans une démocratie on ne peut plus imaginer incarner le peuple et changer simplement le pouvoir en « renversant les oppresseurs ». Lire la suite