Jean-Marc Jancovici : Il chauffe sur le climat

liberation.fr, Laure Noualhat, le 30 mars 2009

Il chauffe sur le climat

Jean-Marc Jancovici. L’inventeur du bilan carbone, 47 ans, est obsédé par le réchauffement en cours. Il exhorte les industriels à prendre des mesures.

Prendre rendez-vous avec Jean-Marc Jancovici n’est pas une sinécure. Ce spécialiste des questions énergétiques ne possède pas de téléphone portable. Il répond à ses mails tard le soir ou tôt le matin et ferme les écoutilles durant les week-ends et les vacances qu’il consacre intégralement à sa famille.

Ces jours-ci, l’expert de 47 ans se prête plus aisément à l’exercice, promo oblige. En ce début d’année décisive pour le climat (cette semaine, les négociations climatiques reprennent à Bonn et doivent se conclure à Copenhague en décembre), il vient de publier un ouvrage à destination des élus, des climato-sceptiques, des acteurs économiques, des néophytes, le tout dans un style enlevé et cabotin. Son coauteur est l’économiste Alain Grandjean, qui est aussi son associé dans la société Carbone 4, qui aide les entreprises à engager leur révolution énergétique.

Jancovici s’y prête mais l’exercice du portrait l’inquiète. Il redoute la posture du «Regardez comme je suis beau». Il préfère celle du «Ecoutez comme j’ai raison», qui le pousse à sensibiliser dirigeants, classe politique et décideurs économiques sur l’avenir climatique. Ceux-là apprécient le fait que Jancovici soit l’un des leurs. Ancien de Polytechnique, il leur parle en expert, rigoureux, suivant les strictes lois de la physique qui régissent l’univers.

Son grand fait d’armes est d’avoir inventé le bilan carbone, une méthode qui permet de mesurer les émissions de CO2 de n’importe quelle activité. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a racheté l’outil. Et Jancovici a créé Carbone 4, dans lequel il élabore les plans d’action des acteurs microéconomiques (entreprises, administrations, collectivités locales) mais aussi du gotha industriel (Lafarge, TF1, Bouygues, Veolia…). «Si nos dirigeants restent si peu informés du problème, on n’en sortira pas pacifiquement. Cette condition n’est peut-être pas suffisante, mais elle est nécessaire

Amoureux de San Antonio, il manie les bons mots au point de ne pas laisser de place à l’argumentation de l’autre. Il lit Astérix aux toilettes, considérant ces albums comme «les plus magistraux cours de psychologie qui soient». Il apprécie Tocqueville, est en train de finir Malthus. Gros bosseur très sûr de lui, il énerve un paquet de gens qui le trouvent péremptoire et cassant, un défaut qu’il assume : «C’est la conséquence du manque de temps. Le sujet est si vaste. Par ailleurs, je déteste la mauvaise foi de ceux qui ne lisent jamais les livres qu’on leur a conseillés et à qui il faut répéter 50 fois les mêmes choses.» En bon rhétoricien, il aime renverser les perspectives, répondre aux questions par d’autres questions, et moucher les flemmards en les renvoyant à son site personnel, manicore.com. Un modèle de vulgarisation qui draine 3 000 à 5 000 visiteurs par jour. Il a commis un livre pour béotiens (Le changement climatique expliqué à ma fille). Avec un journaliste de LCI, il a aussi créé les Entretiens de Combloux, où, durant deux jours, les gens des médias viennent s’informer sur l’impact concret des changements climatiques. Il passe une grande partie de son temps à malmener les «journalistes qui manquent de rigueur». Eux ne lui en veulent pas, le considérant comme un excellent client doté de formules chocs, du genre : «A terme, le prix du pétrole sera nul parce qu’il n’y aura plus personne pour en acheter !»

Il vit à Orsay avec sa femme et ses deux filles adolescentes. Ces dernières se fichent encore du climat Lire la suite

Taxe carbone : un outil majeur contre le réchauffement

tregouet.org, René Trégouët, Sénateur honoraire, Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat, le 6 mars 2009

Édito : Taxe carbone : un outil majeur contre le réchauffement et pour une croissance durable

Dans le projet de budget des Etats-Unis transmis le 26 février au Congrès, sous le titre ’A new era of responsibility’, la Maison Blanche, dans une annonce qui marque un tournant historique, a décidé que la lutte contre le changement climatique financera l’aide sociale et les énergies renouvelables. Concrètement, le Président Obama souhaite la création en 2012 d’un marché des émissions de gaz carbonique de type « Cap and Trad », pénalisant les gros pollueurs, qui devrait générera 80 milliards de dollars chaque année, dont 65 seront affectés aux foyers modestes et aux entreprises pour aider à la transition vers une économie fondée sur l’énergie propre ; les 15 autres iront aux « technologies pour une énergie propre ».

En France, il y a quelques semaines, à l’occasion de l’annonce récente d’une réforme de la Taxe Professionnelle, l’idée d’une « taxe carbone », déjà évoquée au cours du « Grenelle » de l’environnement, a ressurgi dans les propos du chef de l’Etat. Nicolas Sarkozy a en effet évoqué cette taxe carbone comme outil possible de substitution à la Taxe Professionnelle. Le principe est de taxer ce qui pollue et à l’inverse de moins taxer le travail et les investissements.

La taxe carbone – baptisée « contribution climat-énergie » – s’appliquerait à tous les produits en fonction de leur contenu en CO2 (dioxyde de carbone, principal responsable du réchauffement climatique), notamment aux carburants fossiles (pétrole, gaz, charbon). En faisant payer la pollution et les émissions de CO2 – sans augmenter la fiscalité globale – on espère induire progressivement un changement de comportement de la société, de nouveaux modes de consommation et de production « propres ».

L’idée de la contribution climat-énergie fait lentement mais sûrement son chemin : elle fera ainsi l’objet dès mars d’une conférence d’experts chargée d’étudier sa faisabilité sans altérer le pouvoir d’achat des ménages ni attenter à la compétitivité des entreprises. Ils remettront leurs conclusions au Premier ministre dans les six mois.

« Sur la base d’une tonne de CO2 à 32 euros – et en exonérant les secteurs déjà soumis aux quotas européens de CO2 – la taxe carbone rapporterait 8 milliards par an – 3 mds des ménages (taxés sur leur consommation directe et indirecte d’énergies polluantes) et 5 mds des entreprises », indique Alain Grandjean, économiste de la fondation Nicolas Hulot et l’un des experts de la taxe carbone en France. Il reste que, sous l’effet de la crise financière et économique, le prix de la tonne de CO2 est tombé en quelques mois à Lire la suite

Jean-Marc Jancovici, Climat et pétrole : Alerte maximale !

hebdo.nouvelobs.com, Guillaume Malaurie, Sophie Fay, le 12 février 2009

Alerte maximale !

Par Jean-Marc Jancovici. Le polytechnicien écologiste s’alarme du changement climatique et de l’épuisement du pétrole. Pour sauver la planète, le compte à rebours a déjà commencé par Jean-Marc Jancovici

Le Nouvel Observateur. – Dans votre nouvel essai, vous en appelez à un volontarisme churchillien pour faire face au «big bang» que provoquera l’épuisement des énergies fossiles et au changement climatique. Vous dénoncez avec virulence les journalistes et les politiques incompétents !

Jean-Marc Jancovici. – Si nous y allons au canon, c’est parce qu’il faut se faire entendre. Nous n’avons plus le temps d’attendre ! L’échéance de la mutation énergétique n’est pas à l’horizon du demi-siècle ! Dans les trois à cinq ans à venir, il faut que nous soyons en ordre de bataille. Sortant de soixante ans de paix et de croissance économique (sauf rares accidents), nous ne réalisons pas à quel point notre système socio-économique est menacé par l’inaction. Sans dessein et sans un minimum de volontarisme partagé, nos institutions ne résisteront pas aux menaces à venir.

N.O.-Vous laissez entendre, sans le prouver, que la dépression économique trouverait son origine dans la raréfaction des énergies fossiles…

J.-M. Jancovici. – Depuis 1970, la chronologie est troublante : chaque forte hausse du prix du pétrole a été suivie d’une récession. La crise récente a été précédée par six ans de hausse quasi ininterrompue, ce qui a progressivement freiné toute l’économie. C’est normal, l’énergie est par définition l’unité de transformation du monde : sa hausse rapide freine les transformations physiques, et donc l’économie. Les entreprises et les ménages ont alors de plus en plus de mal à rembourser leurs crédits. De surcroît, les banquiers ont amplifié le problème en titrisant les encours de prêts, ce qui a permis de repousser la crise en prêtant plus longtemps, mais au prix d’une explosion plus violente à terme. Sans modifications structurelles, notamment sur l’énergie, à coup sûr tout se reproduira, en pire. Que ceux qui se réjouissent aujourd’hui de la baisse du prix de l’or noir se souviennent qu’elle survient le plus souvent en période de récession…

N. O. – Si cette crise est une crise de ressources, le plan de relance défini par le gouvernement est-il adapté ?

J.-M. Jancovici. – Cet assemblage de demi-mesures n’est pas à la hauteur du mur qui va se dresser devant nous. En lieu et place d’un plan fourre-tout avec un peu d’aides à la voiture, quelques autoroutes supplémentaires et un accès à la propriété plus aisé dans des banlieues éloignées, il nous faudrait une relance massive pour financer la transition vers une économie «décarbonée». Ce ne sont pas 2%, mais 50% du PIB actuel qui devraient être réorientés dans ce but ! La Banque centrale européenne pourrait très bien fournir les milliards d’euros qui font défaut en faisant marcher un peu la planche à billets : l’inflation éventuelle sera moins douloureuse que le chaos. Cela dit, la législation qui incite à la rénovation thermique des bâtiments, que l’on souhaiterait obligatoire et non pas seulement optionnelle, va dans le bon sens. Tout comme la réaffirmation des objectifs européens du «paquet énergie-climat» sous la présidence française.

N. O. – «Trois ans pour sauver le monde» écrivez-vous. Le compte à rebours a-t-il commencé ?

J.-M. Jancovici. – Ce que nous allons faire pendant les trois ans qui viennent sera crucial pour le maintien d’un monde en paix. Les experts pétroliers affirment aujourd’hui que l’offre a atteint un maximum (ou le sera prochainement) et les compagnies pétrolières sont les seules à savoir combien le sous-sol renferme de pétrole : nous ferions bien de les écouter. Lire la suite

Climat : l’avertissement des experts

novethic.fr, Maxence Layet,  le 4 février 2009

Climat : l’avertissement des experts

Le consensus est net. Plusieurs ouvrages, parus entre la fin 2008 et début 2009, aboutissent aux mêmes conclusions. Il reste moins d’une décennie pour obtenir une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Au-delà, la réaction en chaîne climatique, visible en moins de deux générations, deviendra incontrôlable.

Banle-bas de combat ! Côté climat, les avertissements pleuvent en ce début d’année et s’inscrivent dans une véritable convergence internationale. Un consensus notamment relayé par le Worldwatch Institute, un organisme américain de recherche environnemental. « Nous avons le privilège de vivre à un moment de l’histoire où nous pouvons prévenir une catastrophe climatique qui rendrait la planète hostile au développement de l’homme et de son bien-être, » rappelle ainsi Robert Engelman, l’un des directeurs de l’ouvrage « State of World 2009 » rédigé par 47 experts. Le plus grand nombre jamais rassemblés au sein de l’état des lieux annuel du Worldwatch Institute. Parue mi-janvier 2009, sa 26e édition se consacre à « un monde qui se réchauffe ». Selon ce panel d’experts, le temps manque pour suffisamment réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le calme avant la tempête…

Depuis le milieu du 18e siècle, les températures moyennes ont déjà globalement augmenté de 0,8°C. Un degré supplémentaire est d’ores et déjà attendu du fait de l’inertie thermique de la planète et des quantités de GES accumulés entretemps dans l’atmosphère. « Le monde va devoir réduire ses émissions plus drastiquement que prévu, résume le Worldwatch Institute, pour essentiellement ne plus émettre de C02 d’ici 2050 si l’on veut éviter une perturbation catastrophique du climat mondial. » Pour l’un des auteurs du rapport, le climatologue William Hare, il est même impératif que les émissions déclinent au point de devenir négatives après 2050. Sous peine de déclencher un emballement des températures et un compte à rebours climatique lourd de menaces.

A lire les scénarios du quatrième rapport de synthèse du GIEC, le groupe international d’experts de l’évolution du climat, la hausse des températures d’ici 2100 serait comprise entre + 1,1 et + 6,4 C°. C’est l’échelle adoptée par le journaliste Mark Lynas pour détailler dans « Six degrés » (Dunod) les multiples conséquences du réchauffement climatique. Acidification des océans et disparition du plancton, longues périodes de sécheresse, pénurie d’eau douce, érosion des sols et de la biodiversité, zônes côtières condamnées à être submergées… Son voyage dans le temps, au-delà des 2 degrés, se transforme en enfer sur Terre. « Les rétroactions climatiques lentes – retrait des glaces, modifications du cycle du carbone – sont désormais mieux prises en compte. Toutes tendent à confirmer l’urgence de réestimer le taux de réchauffement prévu, » écrit le journaliste britannique. Il nous reste moins d’une décennie pour commencer à réduire nos émissions. »

Deux degrés, point de bascule ?

Pour le GIEC, c’est bien en 2015 que les émissions globales doivent culminer si l’on veut que les concentrations CO² ne dépassent pas les 400 ppm (parties par million) et que les températures n’augmentent pas de plus de deux degrés. Au-delà, l’Amazonie va se transformer en désert et les sols gelés de Sibérie et du Canada « dégazer » de grandes quantités de méthane, amorçant la spirale du réchauffement. Un cercle vicieux impossible alors à réfréner.

Stabiliser le CO2 atmosphérique sous la barre des 400 ppm demande de baisser les émissions de GES de 60 % sur les dix prochaines années. Malheureusement, Lire la suite

Jancovici « C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde »

cdurable.info, David Naulin, le 24 janvier 2009

Après « le plein, s’il vous plait », le nouveau livre d’Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici

C’est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde

Au rythme de l’océan, dont le niveau s’élève insensiblement de quelques millimètres par an, énergie et changement climatique s’insinuent doucement dans les discours. En petits cercles pour l’heure, industriels, économistes, politiques, débattent de plus en plus des risques encourus, et des mesures à prendre pour les éviter ou les atténuer. Ici et la émergent des propositions nouvelles : abandonner les outils économiques obsolètes, en finir avec l’obsession du court terme en matière financière et politique, réaménager radicalement le territoire, les transports et le travail. Mais la fin annoncée du pétrole bon marche sera surtout celle d’une façon – dépassée – de voir l’avenir des hommes. Pour les prochaines décennies, tout reste à inventer, et tout va se jouer dans les années qui viennent. Un plaidoyer alarmiste, mais o combien réaliste et enthousiaste, pour que nous prenions enfin le problème a bras-le-corps !

Sommaire du livre

Chapitre 1 : Le calme avant la tempête

 Elle est où, l’Apocalypse ?

 Pétrole : pic et pic et…

 Pas plus écolo qu’un PDG de compagnie pétrolière ?

 Cher, le pétrole !

 Cher, le fossile !

 Quoi de neuf sous le soleil, exactement ?

 Du rapport entre le PIB de Clermont-Ferrand et les pingouins

 Dis-moi combien tu es proche du pétrole, je te dirai combien tu me crois

 Et les climato-sceptiques dans tout ça ?

 Verre à moitié vide, ou à moitié plein ?

Chapitre 2 : Dix bonnes raisons de ne rien faire

 Nous ne croyons pas ce que nous savons

 Notre Faust des temps modernes : Monsieur Court-Termisme

 Tout, tout de suite !

 Quoi, tu n’as pas de portable ?

 Le roi, c’est moi

 Consommer is (very) good for you

 In ingénieurs we trust

 Mon patron ? Vous voulez dire mon actionnaire ?

 La politique, ça sert à quoi, papa ?

 Quel CAC 40 fera-t-il demain ?

 Et pourtant, il faut croire…

Chapitre 3 : Les deux énarques de l’île de Pâques

 L’argent n’achète que des hommes Lire la suite