Grenelle et Education à l’environnement pour le DD

NaturaVox, lundi 15 septembre 2008, RG

Cerise sur le gâteau Grenelle

L’éducation a eu toutes les peines du monde à faire sa place dans le processus du Grenelle de l’environnement. Voilà, en fin de parcours, la sensibilisation, l’information et la formation du public aux questions d’environnement et de développement durable qui viennent se faire leur place. Cela pourrait bien être le signe d’une réelle avancée.

Le « Comop 34 » a démarré ses travaux le 4 septembre dans les locaux du cabinet de Jean Louis Borloo. Un Comop c’est un comité opérationnel chargé de mettre en musique les résolutions qui sont prises dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

33 « Comops » ont été mis en place suite aux conclusions des tables rondes et au discours du Président de la République de fin octobre 2007 quand Al Gore et quelques autres étoiles (espérons pas filantes) de l’environnement international étaient venues nous voir à Paris. Un ensemble de propositions devaient être fait pour le 15 mars « afin notamment d’alimenter le projet de loi de programmation du printemps 2008 ». Bon, le processus a pris quelques retard, mais aujourd’hui le projet de loi est sur nos bureaux, qu’on soit de l’Etat, des collectivités, des entreprises ou de la société civile… et on attend ardemment que les représentants du peuple s’emparent de nos travaux et nous fassent une belle et bonne loi.

Vent frais fleurant bon le terrain !

En ce qui concerne l’éducation à l’environnement on ne va pas refaire le film, le lecteur pourra revenir aux articles précédents, mais il faut rappeler qu’on reste un peu sur notre faim après les travaux du Comop 26 « Education » présidé par Jacques Brégeon. Nous étions plus de 80 dans ce groupe, nous avons travaillé des heures et des heures. Nous avons été cantonné contre notre gré à l’enseignement scolaire (vision on ne peut plus restrictive de l’éducation) et le président lui même ne sait pas nous dire aujourd’hui ce qui en sera retenu !… silence… expectative… suspens… qu’en ressortira-t-il ? Nous sommes à l’affût du moindre mouvement. Apparemment rien ne bouge ! Nous espérons être démenti au plus tôt, tant nos écoles, collèges, lycées, facs et grandes écoles tireraient grand bénéfice d’un vent frais fleurant bon le terrain !

Avec les participants du comop 34 les acteurs de l’éducation à l’environnement se réjouissent donc de voir à nouveau mise sur l’établi la question de la culture de la société, parce que oui, c’est bien de cela qu’il s’agit : le changement de culture en profondeur que nous avons à vivre collectivement et de toute urgence pour trouver un terme heureux à la crise écologique et sociale que nous connaissons sur la planète Terre.

Degré « 0 » de la coordination

La société civile française organisée autour de la question de l’éducation à l’environnement l’avait dit à l’époque : séparer la dynamique de la décennie des Nations Unies pour l’éducation au développement durable (DEDD), orchestrée en France par une commission nationale présidée par Michel Ricard chargé de mission du premier Ministre, de la dynamique Grenelle n’était pas une bonne idée. Nous avions deux capitaines sur deux bateaux ayant tous les deux la même destination : trouver une ligne politique claire en France pour qu’enfin s’y épanouisse l’éducation à l’environnement. Cette ligne peut trouver ensuite sa forme dans un plan d’action. Cette destination n’a pas été trouvée, les équipages n’ont pas trouvés terre : les capitaines à maintes reprises disaient l’apercevoir pourtant ! Le seul plan national d’action pour le développement de l’éducation à l’environnement que nous ayons dans notre pays c’est celui que la société civile, aidée par l’Etat, les collectivités et les entreprises, a rédigé en 2000 suite aux premières assises nationales de l’EE. Bien des choses ont évolué depuis 2000 : la crise écologique est devenue de notoriété publique… mais l’esprit de coordination, la capacité de faire ensemble, n’ont pas fait de progrès, pas dans les couloirs des ministères en tout cas. On entend dire « les allemands en sont à leur deuxième plan d’action », et qui plus est ce sont des plans qui passent au bundestag devant les députés. Et chez nous ça « bloque »… Où, ça bloque ? Où ça ? Ce n’est jamais dit clairement ! On a l’impression pourtant que de plus en plus de têtes se tournent du même coté.

Nous partons ce mois de septembre avec un troisième capitaine privé d’une partie de la cargaison, trouverons nous la terre ?

La culture, pour la faire évoluer, il y a l’éducation certes, mais il y a aussi la sensibilisation, l’information et la formation. Ce sont précisément les trois thèmes de ce nouveau Comop. La lettre de mission précise : « il revient à ce comité de définir les voies, moyens et conditions requis pour une mobilisation effective du public autour des enjeux environnementaux et de développement durable et pour la modification des comportements que ceux-ci appellent ». Des propositions doivent être faites au ministre en charge du Grenelle pour le 15 octobre. C’est un doué de la com’, Hervé Brossard président de l’association des agences conseil en communication (AACC), qui préside le comité.

Pas un métier facile…

Le travail au sein du comité ne sera pas facile, et le président n’aura pas un métier facile.

La première raison est que les acteurs les plus concernés, les associations d’éducation à l’environnement qui sont actives dans les territoires, sont quasi sinistrées. Elles sont de plus en plus souvent misent en face d’appels d’offres émanant des collectivités. Ces appels d’offres, qui sont un signe tangible de la marchandisation de l’éducation, elles ne veulent pas y répondre car ils vont à l’encontre de leurs convictions citoyennes empreintes de partage, de solidarité et de mutualisation des savoir-faire… Où allons nous si l’esprit de concurrence vient souffler jusqu’aux esprits des organisateurs de sorties nature ou autres animations sur l’eau, les déchets… ? Bientôt pour éteindre les incendies, demanderons-nous aux casernes de pompiers de nous faire leur offre, qu’on aille aux plus offrant, au mieux disant ou ce qu’on veut ? Non quand il y a le feu il faut se donner la main en toute fraternité pour éteindre l’incendie, en dehors de toute autre considération. « La maison brûle » cela nous a pourtant été dit à la tribune des Nations Unies en 2002.

Les associations sont aussi mises à mal du fait d’une filière professionnelle inexistante. Il y a des milliers d’éducateurs à l’environnement dans notre pays, il y a des besoins énormes en éducation, formation, sensibilisation, information auprès de tous les publics, et il n’y a pas de filière professionnelle. Le ministère de la jeunesse et des sports avait mis en place un diplôme, le BEATEP, qui correspondait bien aux besoins. Il a rendu de grands services durant une douzaine d’années. Et tout à coup, patatraque, sans que personne ne sache pourquoi, et surtout sans concertation avec les intéressés, il a été supprimé du jour au lendemain ! Et remplacé par rien qui convient !

Enfin, pour clore momentanément ce chapitre, comme chacun sait, les subventions aux associations ne sont pas à la hausse, ce qui est très dommageable en ces temps de besoins accrus.

La deuxième raison qui fait dire pourquoi le travail ne va pas être facile, c’est qu’on a séparé sensibilisation, information et formation de l’éducation… toutes les synergies que nous aurions pu imaginer vont être impossibles ou rendues difficiles.

La troisième raison c’est qu’on va devoir trouver une entente entre associations d’environnement et professionnels de la communication. Nous connaissons la méfiance envers la publicité dans les rangs environnementalistes ! Nous nous souvenons des ces pubs pour 4×4 écologiques…, et de l’effet dévastateur que ça a eu sur les troupes !

Et puis il y a autre chose, pas loin des participants du comop 34, dans les rangs des associations de protection de la nature, il y a Paysage de France et sa lutte contre les panneaux publicitaires, et, plus fort encore, les déboulonneurs et le clan du néon. Synthèse pas simple.

Autre difficulté : le temps, il faut aller très vite.

Mais la difficulté la plus grande est peut-être ailleurs. Elle est attachée à la question fondamentale : mais qu’est ce qui peut nous sortir d’une telle crise ? Et là il y a ceux qui se sentent autorisés à recommander les bons comportements à faire adopter par les masses par tous les moyens, et ceux qui seraient plutôt sur le travail en profondeur, celui de la construction d’un citoyen en capacité d’exercer son esprit critique et apte à prendre en main son destin et celui de son territoire. Une autre école carrément !

Nous sommes bien partis !

Nous avons déjà fait une première séance de travail le 4 septembre et ça s’est bien passé. De l’écoute, une bonne animation, une bonne ambiance : ça pourrait être productif dans les semaines à venir. Signe supplémentaire que nous sommes bien partis, 3 extraits du compte rendu officiel qui montrent que la parole des acteurs de terrain est entendue, respectée et consignée (ils se reconnaîtront ) : « La sensibilisation doit faire appel « aux sens » et être aussi porteuse « de sens ». Etre sensibilisé c’est être touché émotionnellement, être émerveillé. Il faut veiller à la dimension « plaisir » des actions de sensibilisation (« sorties natures », « l’authentique ») », « La sensibilisation, l’information et la formation sont avec l’éducation, les quatre « canaux » permettant aux citoyens d’accéder à une nouvelle culture. Cela nécessite de faciliter la posture d’attention de la population et de développer la participation active des citoyens. », « La formation à développer pour les citoyens doit combiner l’intellect, l’émotionnel et l’expérience pratique (« cerveau / cœur / main ») »

C’est une nouvelle aventure qui commence et nous avons confiance. Nous sommes une trentaine de participants d’horizons et de natures différentes, ce qui est bien dans l’esprit du Grenelle, mais tous humains : c’est ce qui nous réuni, avec certainement au cœur la volonté d’y arriver. Les chausse-trappes comme dans tous processus collectifs seront certainement présentes mais on va tâcher de les éviter et de ne pas travailler pour juste mettre une cerise sur le gâteau Grenelle. Non, nous voulons un travail en profondeur, parce que ce qu’il n’y a que ce qui est profond qui dure et que notre monde de surface, se satisfaisant du superficiel, se livrant à l’agitation, à la vitesse à toutes les conditions, manque terriblement de calme, de profondeur et de certitudes. Les acteurs de l’éducation n’ont pas pour habitude de travailler pour l’écume, ils préfèrent les mouvements lents et profonds de la houle.

Nous rêvons d’une France qui fasse un saut culturel. Nous sommes nombreux à être motivés pour vivre dans une société plus attentive, composée d’une population plus participative. Parce qu’on le sait au fond, là où la démocratie avance, là où sa vitalité montre qu’elle est bien réelle, la sécurité écologique progresse et c’est bien cela qu’il faut, maintenant.

 

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