De Jérôme Kerviel à Julien Coupat ; avoir 30 ans en 2008

cozop.com, Francesco Casabaldi, le 9 décembre 2008

De Jérôme Kerviel à Julien Coupat ; avoir 30 ans en 2008

Jérôme est né en janvier 77 dans le Finistère, il a 31 ans. Julien est né en juin 74 à Bordeaux, 34 ans.
L’un et l’autre font des études supérieures plutôt brillantes, DESS de finance à Lyon puis Master pour l’un, ESSEC puis DEA et thèse à l’EHESS, à Paris, pour l’autre.
L’un et l’autre ont ce qu’il est convenu d’appeler « tout ce qu’il faut pour réussir »
Le premier est placé en garde à vue le 26 janvier 2008, le second le 11 novembre.

Et le parallèle s’arrête là.
Je ne connais ni JK, ni JC. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait ou pas, je ne sais surtout pas pourquoi ils ont fait ce qu’ils n’ont peut-être pas fait.
Je ne connais d’eux que ce que quelques dépêches éphémères en ont laissé : des symboles.
Des symboles, différents, extrêmes, d’un monde en ruine.

D’un côté un jeune trader qui veut « réussir », qui cherche à cacher ce qu’il fait pour être, lui, remarqué.
De l’autre, un intellectuel engagé qui veut que ce qu’il fait se voit, en restant, lui, dans l’ombre.

L’un veut devenir riche en endormant les gens, l’autre a choisi d’être pauvre et de les réveiller.

Toute l’ironie de l’histoire est que Jérôme Kerviel a peut-être fait plus de mal à un système qu’il acceptait que Julien Coupat qui, semble-t-il, le combattait.
Peut-être seulement, car si ce qui est reproché à Jérôme Kerviel est synonyme de jeunesse perdue, désabusée et impuissante dans un monde devenu fou, c’est paradoxalement Julien qui symbolise surement, pour certains, une forme d’espoir.

Celui d’une génération qui veut croire à un autre avenir que celui de gruger avec l’argent ou le travail des autres pour se construire une place au soleil, seul.

Et si l’un et l’autre ont été traités de terroristes, un seul, évidemment, en est accusé.
Qui y a-t-il en effet de plus dangereux que l’espoir pour un système qui ne survit que parce que tous courbent l’échine ?
Quelle pire insulte à une société entière (ou générale…) que d’en vouloir une autre ?
Et quelle terreur en effet, pour un Etat, que de vouloir y vivre libre.

Peuple de France, regarde donc une fois tes enfants dans les yeux.
Regarde celles et ceux qu’on te décrit comme des jeunes paumés, en marge de la société, vivant en bandes semi-nomades : 34 ans, diplômé de l’ESSEC.
ça ne veut rien dire, mais sincèrement, ça colle pas, non ?

J’ai 37 ans, je suis chef d’entreprise. J’étais l’été dernier en garde à vue à Rostock, pendant le G8 de Heiligendamm. Et ce n’était pas la première fois. Ni la dernière. Avec Laurent, 38 ans, docteur en économie. Et Caro, en thèse de sciences po et Claire, infirmière. Et tou-te-s les autres. Diplômés ou pas. Jeunes ou pas. Et tu veux que je te dise ? On s’en fout. C’est nos potes, nos frangin-e-s.
Quand on s’asseoit le soir au coin du feu, on partage une bière et on se raconte la terre, un peu.
Et pourtant, il faut croire qu’on sera tous plus ou moins éligibles, un jour ou l’autre, à la fameuse « mouvance anarcho-autonome ». Même si ça fera hurler les anars. Et les autonomes.

Peuple de France, ce que tes medias t’ont dit de nous ressemble à s’y méprendre aux photos d’Athènes, de Thessalonique ou d’ailleurs que tu vois en ce moment.
Des images qui font peur, des cagoules, des bagnoles qui brulent, des jeunes « violents », des casseurs. Creuse un peu les images toutes faites, dépasse un peu les caricatures et les faux semblants.
Peuple de France, derrière les cagoules, il y a tes enfants.

 

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