Du Vert dans le Rouge : renforcer la prise en compte de l’écologie mais rester à gauche.

legrandsoir.info, Christian Delarue, le 3 août 2010

http://www.legrandsoir.info/Du-Vert-dans-le-Rouge-renforcer-la-prise-en-compte-de-l-ecologie-mais-rester-a-gauche.html

Du Vert dans le Rouge : renforcer la prise en compte de l’écologie mais rester à gauche.

Pour des raisons de fond comme pour des raisons d’alliances politiques contre le sarkozysme en France il importe de relier l’écologie et le social. Pour ce faire, une maitrise politique et démocratique de l’économie est nécessaire au lieu de la laisser à la logique marchande (produire des marchandises) et capitaliste (faire du profit). Il n’y a pas de capitalisme vert dit Michel Husson (1) ! La question dépasse évidemment l’horizon national.

I – Avancer des positions théoriques conséquentes à gauche sur le respect de la nature.

1. QUELLE CROISSANCE ? QUELLE PRODUCTION ?

La gauche de gauche écologiste et socialiste (pas au sens de social-démocrate) pense qu’il faut sortir du dogme de la croissance infinie et de la production anarchique non pas pour tordre le bâton dans l’autre sens avec un dogme de la décroissance généralisée et du ne rien produire du tout mais en se posant des questions sur le contenu et les modalités de la production . Il y a toujours besoin de construire des écoles, des logements, des hôpitaux, et nombres de biens utiles. D’autres productions sont inutiles voire nuisibles. La production de voitures ne va pas baisser sans une politique sectorielle transitoire.

Pour avancer, il faut lier les deux questions celle du contenu et celle du mode de production : Si vous voulez construire moins de voitures, moins d’avions et plus de trains par exemple il faut, outre le changement d’imaginaire, surement changer le mode de production tellement les paramètres en jeux sont importants. On peut user de façon transitoire de certaines taxes pour interdire l’accès aux voitures mais cela ne portera que contre les moins solvables (qui sont nombreux) mais c’est un capitalisme dictatorial qui est alors en place ; clairement contre les intérêts du peuple. On s’en approche ceci dit. On peut aussi baisser beaucoup plus les tarifs de transport ferroviaire ce qui suppose une très forte réhabilitation des services publics et de la fiscalité pour les faire fonctionner. Même ainsi, cela ne résoudra pas toutes les questions.

En fait, il est fort peu probable que le mode de production capitaliste orienté vers a valeur d’échange et le profit sache aller vers cette orientation. Dépasser les régulations marginales suppose d’aller vers le socialisme et pour cela il faut mettre le politique et la démocratie au poste de commande, pas le marché et le capital même avec quelques régulations.

2. TOUS RICHES AU NORD ?

Faut-il faire ici la critique de l’empreinte écologique ou celle de son usage ? Si l’empreinte écologique est pertinente, il faut alors se garder d’une interprétation intégriste de cet outil d’analyse. En effet, à écouter certains écologistes, usant de l’empreinte écologique comme critère, la question de la répartition des richesses est mondiale et oppose le Nord surconsommateur au Sud insolvable. Pourtant disposer d’une automobile ne fait pas le riche dans le vécu ordinaire des travailleurs. Ce qui n’empêche pas qu’ une ville comme Londres a une empreinte écologique 120 fois supérieure à sa superficie . La répartition des richesses se pose aussi au Nord. Il faut continuer à défendre le bouclier social et fiscal des 3000 euros et moins par mois dans les pays comme la France. Cela n’empêche pas de vouloir une bonne répartition des revenus au plan mondial et un meilleur accès au services publics. Mieux, il y a tout lieu de penser que si l’égalité avance au Nord, la volonté de justice sociale grandira alors pour le Sud. Il faut enfin préciser aussi qu’il y a du nord au sud. Il y a dans de nombreux pays du sud une bourgeoisie compradores qui émarge à la mondialisation capitaliste et qui place ses fortunes en Suisse et dans les paradis fiscaux.

3. POUR UN DÉVELOPPEMENT SOCIALISTE SOUTENABLE

Le socialisme c’est la démocratisation de l’économie qui devient un moyen au lieu d’être une fin en soi, un fétiche au-dessus des humains. Le socialisme c’est Lire la suite

Edgar Morin : Tout est à repenser

fautedemieux.over-blog.com, Edgar Morin, Propos recueillis par WILLIAM BOURTON dans le Soir du samedi 2 janvier 2010

Le point de vue d’Edgar Morin, philosophe et sociologue.

Tout est à repenser

Pouvez-vous nous dresser un bref état des lieux de la situation actuelle du monde ?

Pour dresser ce diagnostic, il convient de considérer la période qui s’est ouverte en 1989, avec l’implosion de l’Union soviétique et la mondialisation de l’économie libérale. Ce processus d’unification technique et économique du globe s’est accompagné d’énormes dislocations. Ainsi, la guerre de Yougoslavie a montré qu’une nation, qui était presque constituée, a éclaté en fragments, chacun sur une base ethnique et religieuse. On a vu d’autres exemples depuis. L’unification par l’« occidentalisation » a provoqué en réaction des replis sur des racines identitaires.

Par ailleurs, on est entré dans une période d’une telle incertitude que la croyance générale au progrès historique s’est effondrée à l’ouest, à l’est, et au sud. Dès lors que le futur est perdu et que le présent est angoissé, on retourne aux racines, c’est-à-dire au passé. Un passé qui, hier encore semblait un tissu de superstitions et d’erreurs, devient la vérité.

Dans ce climat de dislocation, où se multiplient les haines et les rejets d’autrui, le vaisseau spatial Terre est emporté avec une vélocité extraordinaire par trois moteurs incontrôlés : la science, qui produit des armes de destruction massive et pas uniquement des bienfaits ; la technique, qui permet l’asservissement pas seulement des énergies naturelles mais aussi celui des humains ; et l’économie qui ne recherche que le profit pour le profit. Voilà dans quoi nous sommes en effet emportés.

Alors, que s’est-il passé en 2009 qui pouvait susciter de très grandes espérances ?

L’accession, totalement inattendue quelques mois plus tôt, d’Obama à la présidence de la plus grande puissance du globe. Voici un homme de bonne volonté, un homme qui possède une véritable culture planétaire de par ses origines et de par ses expériences, un homme qui a une conscience claire des problèmes, manifestée dans ses discours… Et qu’est-ce qui s’est passé jusqu’à présent ? Partout l’impuissance. Incapacité d’opérer une pression même minime sur Israël pour stopper la colonisation, incapacité de pouvoir traiter le problème afghan, impuissance au Pakistan, aggravation de la situation en Colombie et au Venezuela, en Amérique latine. Partout, sont apparues les limites à cette action de bonne volonté. Ces limites signifient que le monde est arrivé dans un état régressif. Il y a dix ans, peut-être Obama aurait-il pu réussir. Mais désormais, on voit très bien que son avènement, qui était une chance pour l’humanité, n’a pas produit ses promesses. Non pas par la défaillance d’un homme mais par l’ensemble des conditions dans lesquelles il se trouve enfermé.

Un tableau plutôt sombre…

Nous continuons, à mon avis, la course vers l’abîme. Car les probabilités sont que ce processus va vers des catastrophes multiples. Il ne s’agit plus seulement des menaces de guerres et d’emploi d’armes nucléaires, qui se sont multipliées, mais aussi de la dégradation de la biosphère et du problème du réchauffement climatique, de la crise économique, provisoirement jugulée, mais qui a révélé que cette économie mondiale ne subit aucun contrôle sérieux. De plus, nous n’arrivons pas encore à la prise de conscience du cours catastrophique qui nous permettrait de réagir contre lui.

Pourtant, par rapport à la prise de conscience environnementale, il y a eu le sommet de Copenhague…

Pour la première fois, l’ensemble des nations du globe se sont en effet réunies pour prendre des mesures contre un des périls écologiques majeurs : le réchauffement climatique. Mais, on l’a constaté, la solution est très difficile. Pourquoi ? D’abord parce qu’il faut un consensus d’un très grand nombre de nations. Deuxièmement parce qu’on voit bien que les pays riches et dominants ont tendance à vouloir faire payer une grosse note aux pays en voie de développement, lesquels refusent de se soumettre et demandent aux premiers de faire l’effort eux-mêmes. Prenez la question des énergies. Il est souhaitable que les énergies vertes – solaires, éoliennes, etc. – se répandent en Afrique ou en Asie, mais cela signifierait un don des pays développés que ceux-ci, pour le moment, n’ont pas l’intention d’envisager.

Copenhague a donc traduit une certaine prise de conscience, mais insuffisante. Le grand problème de la conscience, c’est toujours son retard sur l’événement. Il faut un certain temps pour comprendre ce qui s’est passé. Par rapport aux dangers sur la biosphère, l’alerte a été donnée en 1970, avec le rapport Meadows (première étude importante soulignant les dangers écologiques de la croissance économique et démographique, demandé à une équipe du Massachusetts Institute of Technology par le Club de Rome). Entre 1970 et 2010, il y a bien entendu eu le sommet de la Terre de Rio (1992), il y a eu la conférence sur le réchauffement climatique de Kyoto (1997), mais ces rencontres étaient toujours en retard sur la gravité de l’événement. Car en quarante ans, le monde a connu une série de catastrophes écologiques.

Dans ce contexte, la globalisation, qui dans un sens est la pire des choses, pourrait également se révéler la meilleure car, pour la première fois, il y a une interdépendance de tous les êtres humains, une véritable communauté de destin qui peut faire de nous de véritables citoyens de la planète. Mais à condition que l Lire la suite

Une économie durable ? Ce n’est pas gagné…

alternatives-economiques.fr, Guillaume Duval, décembre 2009

Une économie durable ? Ce n’est pas gagné…

L’économie peut-elle devenir durable ? On en est très loin pour l’instant, et notre capacité à y parvenir avant que l’humanité se soit fracassée sur les conséquences des désastres écologiques qu’elle a suscités paraît bien incertaine. Cela tient moins à la difficulté technique de la chose, bien réelle, qu’aux obstacles sociopolitiques qui s’opposent à toute réorientation rapide et massive de nos modes de production et de consommation. Car les actions à mener ont à la fois un coût élevé et un impact très fort sur la distribution des richesses et des positions sociales. De quoi heurter de puissants intérêts et remettre en cause bien des positions acquises. Dit autrement, réduire les inégalités du monde et de nos sociétés est à la fois une condition pour engager les réorientations nécessaires et, en même temps, une condition pour obtenir des résultats à la hauteur de l’enjeu.

Des outils à disposition

Les périls écologiques qui se sont accumulés depuis les débuts de l’ère industrielle sont colossaux. Dans le contexte de la conférence de Copenhague, il est beaucoup question actuellement du changement climatique et des moyens de le limiter. Et c’est bien normal: il s’agit incontestablement d’une des menaces à la fois les plus lourdes de conséquences et les plus difficiles à combattre, car pour être efficace, la lutte doit absolument être mondiale. Mais le climat est malheureusement très loin d’être le seul problème: les pénuries d’eau douce, la dégradation des sols, les pertes de biodiversité, l’accumulation des déchets toxiques dans notre environnement et dans les chaînes alimentaires…, nous n’avons que l’embarras du choix, alors même que la croissance de la population mondiale, bien qu’en net ralentissement, devrait se poursuivre encore jusqu’au milieu du siècle. Sauf guerre ou catastrophe sanitaire, pas totalement improbables dans le contexte actuel.

Pourtant on sait, dans une grande mesure, ce qu’il faudrait faire. Tout d’abord réduire rapidement et massivement l’usage des combustibles fossiles et des matières premières non renouvelables. Production d’énergie, transports, isolation des bâtiments…, on maîtrise déjà de nombreuses techniques pour y parvenir. Il y a une quinzaine d’années déjà, un rapport du Club de Rome intitulé « Facteur 4 » dénombrait toutes les technologies qui permettraient de diviser par quatre les consommations tout en offrant les mêmes services au final. Et encore, un de ses auteurs, Amory Lovins, du Rocky Mountain Institute, aux Etats-Unis, expliquait-il qu’à l’origine ce rapport devait s’appeler « Facteur 10 », mais qu’il avait été décidé de n’afficher « que » Facteur 4 pour ne pas effaroucher les incrédules… On sait également que si l’on consacrait à ces questions un effort de recherche et développement majeur, au détriment par exemple de celui consacré aux armes de destruction massives, nous serions en mesure d’élargir rapidement le champ des possibles.

Au-delà des technologies proprement dites, on sait aussi dans quelle direction il faudrait réorienter le système productif et les modes de consommation. Il faut emprunter la voie de ce qu’on appelle « l’écologie industrielle » ou encore « l’économie circulaire »: comme c’est le cas dans la nature, les processus de production que nous organisons ne doivent plus produire de déchets, mais Lire la suite

Le point de vue de Lutte Ouvrière et de l’UCI sur la décroissance.

revoltunited.canalblog.com, NC, le 16 août 2009

Le point de vue de Lutte Ouvrière et de l’UCI sur la décroissance.

Je connais assez mal l’idéologie de la décroissance, je ne peux donc que publier ce qu’en dise les camarades de LO. Pour ce que j’en sais, cela ressemble assez à l’idéologie des petits propriétaires terriens du début du XXème siècle vis à vis du capitalisme industriel naissant. Mais je vous laisse juger.

La décroissance, un point de vue parfaitement réactionnaire

Si les années quatre-vingt-dix ont vu émerger et se développer les idées de l’altermondialisme, ce courant est aujourd’hui concurrencé, chez un certain nombre de jeunes et moins jeunes plus ou moins contestataires, par un courant qui s’est baptisé : la décroissance. Refus de la croissance économique, « antiproductivisme », lutte contre la consommation, volonté de revenir à une économie locale, rejet du progrès technique, démarche de « sobriété » ou de « simplicité volontaire », sont les piliers de ce nouvel évangile.

Il est difficile de savoir si le relatif succès de ce courant sera un phénomène durable. Mais il est incontestable qu’il est, pour l’instant, à la mode. Certes, cela ne s’est pas vu lors des récentes élections européennes, où les listes Europe Décroissance n’ont recueilli que des scores insignifiants – entre 0,02 et 0,04 % suivant les circonscriptions. Mais la percée électorale des listes Europe-écologie reflète, en partie du moins, cette tendance, car nombre de partisans de la décroissance ont apporté leurs voix, au nom d’une sorte de « vote écologique utile », aux listes menées par Daniel Cohn-Bendit.

L’intérêt pour la décroissance d’une partie de la petite bourgeoisie intellectuelle, d’une frange de la jeunesse étudiante, paraît indéniable. En témoigne entre autres le relatif succès du journal La Décroissance, qui tire à quelque 50 000 exemplaires – ce qui est conséquent pour un journal politique.

Il est clair que le glissement vers la décroissance d’une partie des partisans de l’altermondialisme serait un recul, du point de vue des idées.

L’altermondialisme en effet, malgré ses limites et son caractère profondément réformiste, se situe au moins sur le terrain de la dénonciation des inégalités, et prétend vouloir mieux répartir les richesses entre les différentes régions de la planète.

La décroissance, elle, ou plutôt la nébuleuse d’organisations, de journaux et d’individus qui se réclament d’elle, se situe sur un tout autre terrain : celui des idées franchement réactionnaires. Ses partisans ne le nient d’ailleurs pas vraiment : Serge Latouche, le principal porte-parole de la décroissance en France, dénonce par exemple, dans l’introduction de son Petit traité de la décroissance sereine, « le totalitarisme développementiste et progressiste ». Le « totalitarisme progressiste » ! Il faut se pincer pour y croire. Il est peu probable que les femmes africaines qui font des dizaines de kilomètres à pied pour trouver un peu d’eau potable, ou les centaines de milliers de gens dans le tiers-monde qui meurent du sida faute de trithérapies, se réjouissent de ne pas être victimes du « totalitarisme progressiste ». On retrouve le même type de propagande anti-progrès dans un numéro de la revue décroissante Silences, qui a publié en Une un dessin montrant trois personnages monstrueux, mi-humains mi-reptiles, sous la légende : « Ils veulent détruire le monde ». Ces trois personnages étaient ainsi présentés : « La trilogie maléfique : croissance, consommation, progrès. »

Le décor est planté. Le courant décroissant affiche clairement non seulement son refus Lire la suite

David Holmgren : les quatre scénarios de la décroissance

bellaciao.org et damienperrotin.com, Damien Perrotin, le 14 août 2009

David Holmgren : les quatre scénarios de la décroissance

David Holmgren n’est pas un inconnu dans le monde de l’écologie et de la soutenabilité. Cet australien né en 1955 a été avec Bill Mollison l’inventeur du concept de Permaculture. Son premier ouvrage Permaculture One, basé sur les travaux de l’écologue américain T. Howard Odum, a posé les bases du mouvement pour une agriculture durable en Australie et plus largement dans les pays anglo-saxons. Son dernier livre Future Scenarios : how communities can adapt to peak oil and climate change a donc suscité un intérêt certain dans le monde, malheureusement restreint, de ceux qui s’intéressent au pic énergétique et ses conséquences sur nos sociétés, tout comme d’ailleurs son site : future scenario.org

Dans ce petit livre d’environ 120 pages, David Holmgren examine notre avenir à la lumière de la situation écologique présente. Il n’est certainement pas le premier à l’avoir fait. Le Club de Rome en son temps, et John Michael Greer plus récemment s’y sont également essayé. Leurs conclusions se rejoignent d’ailleurs. Holgrem envisage d’abord quatre futurs possible pour notre civilisation :

La techno-explosion prévoit une croissance indéfinie de notre richesse matérielle et de notre capacité à surmonter les contraintes environnementales. Elle dépend de la disponibilité en grande quantité d’une énergie concentrée et de haute qualité. Poussée au bout de sa logique elle aboutit à la colonisation de l’espace. Il s’agit en gros de la continuation du modèle actuel de développement.

La techno-stabilité suppose une conversion sans accrocs à une économie de non-croissance basée sur des énergies renouvelables et capable de garantir au moins le même niveau de richesse que celle d’aujourd’hui. C’est en gros ce dont rêvent les Verts.

L’effondrement envisage une destruction de la société industrielle sous l’effet combiné de l’épuisement des ressources du changement climatique. Cet effondrement serait rapide et plus ou moins continu et aboutirait à la disparition de la plus grande partie de la population humaine, ainsi que l’essentiel de son héritage culturel. C’est un scénario « à la Mad Max »

La descente énergétique correspond plus ou moins à la longue descente de Greer ou à la longue urgence de Kunstler. Elle implique une réduction progressive de l’activité économique, de la population et la complexité de la société au fur et à mesure que s’accentuera l’épuisement de nos ressources. L’importance croissante des énergies renouvelables fera évoluer nos sociétés vers des structures proches de celles qui prévalaient avant la révolution industrielle. Cela suppose une ruralisation progressive de l’économie et de la société et un déclin également progressif de la population.

Holmgren n’écarte pas à priori l’effondrement mais le juge peu probable. Comme Greer, il fait remarquer que dans le passé les civilisations ont décliné plus qu’elles se sont effondré brutalement et que ce processus a toujours été graduel. Par ailleurs, ce scénario, populaire dans certaines franges du mouvement écologiste, n’est pas très constructif. Il conduit à une attitude fataliste, axée sur la survie individuelle ou en petites communautés.

Il récuse également les scénarios de la techno-explosion et de la techno-stabilité. Ils reposent en effet sur toute une série de présupposés dont tout indique qu’ils sont faux.

–          La production des matières premières non-renouvelables Lire la suite

Quand M. Allègre invente « l’écologie productive », la planète pleure

lespetitspoissonsrouges.org, Corinne Morel Darleux, le 17 juillet 2009

Quand M. Allègre invente « l’écologie productive », la planète pleure

Dans une tribune publiée ce jour dans Libération, M. Allègre poursuit son entreprise de sape. Avec des positions pour le moins partielles et partiales…

Mal informé, l’ancien Ministre ? Aidons-le un peu.

Quand il mentionne le Club de Rome, le concept de décroissance et la notion de frugalité (pour les taxer d’écologie « dénonciatrice et punitive »), on mesure bien l’étendue de son cadre de référence politique. Le plus loin qu’il daigne aller sur le terrain de la radicalité, c’est Nicolas Hulot et les Verts, ces dangereux extrémistes… Visiblement M. Allègre n’a jamais entendu parler des objecteurs de croissance ni de la sobriété joyeuse… Chiche, on l’abonne à la Décroissance ?

Quand il évoque le nucléaire, c’est pour nous annoncer que la 4e génération multipliera les réserves d’uranium par 100 (il doit vouloir dire le temps d’épuisement des réserves, mais passons) et détruira les déchets à vie longue. Petit décryptage d’utilité publique : sous l’appellation de « 4e génération », c’est en fait le retour en fanfare du projet Superphénix, pourtant fermé en 1997 sous la pression de l’opinion publique (aka nous, les rétrogrades). Et ce, après avoir englouti 10 milliards d’euros ! Un réacteur fonctionnant au sodium, hautement inflammable au contact de l’air et de l’eau, une centrale toujours en cours de démantèlement et à hauts risques… La seule chose certaine dans ce type de projet, c’est sa capacité à engloutir plusieurs milliards d’euros, sans garantie de résultats. Autant d’argent public qui ne sera pas affecté aux nécessaires programmes de maîtrise de l’énergie ou de développement des renouvelables… On l’inscrit à Sortir du Nucléaire ?

Quand il dénonce les méfaits de l’agriculture chimique, on se prend à espérer à un salutaire retour à la réalité. Raté. C’est pour mieux nous livrer sa solution miracle : les plantes génétiquement modifiés (PGM) ! On se pince. Et si on suggérait à Sarkozy, qui voulait en faire son Ministre, de l’inviter lors de son prochain déplacement éclair dans les pays du Sud ? Pourquoi pas en Inde, tiens, où les paysans sont acculés à la ruine par Monsanto, ou en Afrique du Sud où 82 000 hectares de maïs génétiquement modifiés se sont avérés stériles ? Mais fi de la souveraineté alimentaire ! Pour M. Allègre, l’avenir de l’agriculture doit être envisagé à l’aune du droit des agriculteurs (du Nord, sans doute) à « être compétitifs sur un marché désormais international de plus en plus sévère ». Allez, on l’abonne à une AMAP ?

Enfin, la coupe ne saurait être pleine sans cette bonne tarte à la crème de la foi scientiste volant au secours du climat. Kyoto est un fiasco, Copenhague ne sera pas mieux ? Pourquoi pas… Une seule solution : l’innovation ? Pourquoi pas… Mais pas n’importe laquelle, attention, car après quelques considérations floues sur les renouvelables, on sent bien que l’avenir de l’ « écologie dynamique », celle qui crée des emplois et relance la compétitivité, s’appelle pour M. Allègre : capture et stockage du CO2 ou encore voitures électriques (voilà qui assurerait la croissance de l’industrie nucléaire, au moins ce monsieur est cohérent). Dites, on lui offre un vélo ?

Pour Allègre, l’écologie « non productive » signerait l’arrêt du progrès. Lui appelle de ses voeux une « société de liberté, de libre entreprise et de progrès constant », enfin, une « vision Lire la suite

De l’écologie politique dans la perspective de l’effondrement de civilisation

agoravox.fr, Hans Lefebvre, le 20 juin 2009

De l’écologie politique dans la perspective de l’effondrement de civilisation

Incontestablement, si le grand vainqueur des dernières élections européennes n’est autre que le parti des abstentionnistes, fait par ailleurs toujours inquiétant pour un processus démocratique, il nous faut constater que le score réalisé par la liste Europe Ecologie a permis de remettre en perspective l’écologie politique. Cette percée historique nous vaudra la formule opportune prononcée par l’ex-leader du mouvement de 1968 : « c’est le D-Day de l’écologie politique » ! Pour autant, est-ce à dire que les français d’une part, et les européens dans leur ensemble d’autre part tendent à devenir des écologistes convaincus, s’appropriant valablement l’engagement dans la voie de l’écologie politique ? À l’évidence, si la réponse reste complexe, n’est-il pas plus pertinent de nous questionner quant à l’avenir de cette proposition alternative vitale pour l’avenir de l’humanité, et cela plus particulièrement à la lumière de cet effondrement de civilisation annoncé.

Sans toutefois remonter aux philosophes de l’antiquité qui avaient pourtant déjà défini l’homme comme un être vivant parmi un ensemble complexe, c’est à l’aube de notre société industrielle que le philosophe Allemand Ernst von Haeckel définissait la notion d’écologie (1866) , posant ainsi les bases d’un concept qui allait devenir un enjeu majeur de notre société contemporaine.

Un siècle plus tard, le début des années soixante-dix marquait un tournant essentiel dans l’histoire [1] de la prise de conscience écologiste avec notamment la création du mouvement les amis de la terre (1969) et le fameux « appel de Menton » lancé aux Nations Unies par 2200 personnalités inquiètes des dangers induits par la société industrielle ( mai 1971). Puis, en 1972, sous l’impulsion du Club de Rome, créé en 1968, paraîtra le rapport Meadows & al (1972) [2] dont le propos était de définir l’impact du modèle productiviste sur le devenir de monde en posant déjà la question fondamentale des limites de la croissance avec, en point de mire, la problématique déjà pertinente de l’effondrement de ce modèle. Ce travail essentiel de modélisation, très contesté à l’époque notamment dans à sa proposition principale de « croissance zéro », mériterait selon certains contemporains d’être actualisé tant le propos était novateur, d’autant que les moyens informatiques actuels permettent d’envisager de nouveaux calculs bien plus vertigineux [3]. Cette même année eu lieu à Stockholm la première conférence des Nations Unies consacrée à l’environnement humain dont l’intelligente devise était « une seule Terre ».

En ces temps là, l’écologie politique faisait ses premiers pas audibles pour se répandre peu à peu dans le champ d’une certaine pensée politique engagée, marquant ainsi le début d’une lutte citoyenne active, comme un indispensable contrepoids à la dictature des deux idéologies productivistes dominantes (capitalisme et communisme).

En 1974, René Dumont faisait acte de candidature à l’élection présidentielle au nom de ce combat qu’il pressentait comme indispensable, affirmant avec la plus grande conviction que « la politique n ’appartient pas aux spécialistes. La politique vous appartient ». Avec à peine 1,3% des voix exprimées, l’auteur de « l’utopie ou la mort » [4] donnait corps à l’écologie politique, portant à la connaissance de la conscience collective ce choix désormais possible. Mais il était en avance sur son temps ce diable d’empêcheur de produire en rond, alors que la société issue des trente glorieuses était au plus loin de ce types de préoccupations. Agronome de formation, l’homme fut un des pionniers de ce combat politique avant-gardiste (il fut aussi un tiers-mondiste convaincu), dénonçant avec force le productivisme acharné du monde occidental hégémonique et sa quête absurde du toujours plus. La lucidité de son analyse était telle qu’elle vaut encore à ce-jour par son acuité remarquable, imprégnant largement tous les discours écologistes d’aujourd’hui.

Mais il ne fut pas le seul à s’inscrire dans cette perspective de l’écologie politique, puisque Ellul et son compatriote Charbonneau furent eux aussi des militants de la première heure de cette cause. Véritables précurseurs de cette préoccupation du vivre en harmonie avec notre support terrestre, alors que leurs contemporains n’entrevoyaient absolument pas les perspectives posées par ces intelligences précocement éveillées aux problématiques qui sont aujourd’hui en passe de s’imposer à l’ensemble de la société humaine. Ainsi, ils appartiennent à jamais à cette communauté de pensée qui n’a eu de cesse de croire à la possibilité d’un autre monde. Jacques Ellul, cet apôtre du développement local et néanmoins disciple de la frugalité, mesurait déjà le danger de l’automobile, cet objet technologique qui incarne à lui seul la révolution industrielle, devenu aujourd’hui ce véritable petit temple des vanités dont la sacralisation est synonyme d’asservissement. Loin de dénoncer le progrès technique, c’est surtout le rapport de l’homme à cette notion que le penseur émérite n’a eu de cesse de dénoncer car, en sacralisant la production de ce savoir technologique il se soumet. Quelle fulgurante réflexion nous confiait-il alors !

Aussi, par delà la critique du modèle productiviste industriel, le discours et la pensée écologiste ne manquent pas de remettre fondamentalement en cause le fonctionnement de nos systèmes démocratiques centralisateurs et bureaucratiques dont les effets pervers peuvent-être perceptibles par chacun. Ce tout (pouvoir économique, politique et technologique) qui mène le monde est parfaitement imbriqué et son entropie galopante pose la question encore une fois centrale de son effondrement sur lui-même. Certains intellectuels ont déjà théorisé cet effondrement de civilisation inévitable dont les contours apparaissent de plus en plus nettement. Mais, entre « l’inquiétante » rhétorique menée avec un certain talent par Jared Diamond dans son désormais célèbre ouvrage paru en 2006 [5], qualifié par ailleurs de néo-malthusianisme par certains contradicteurs [6], et une globalisation inévitablement inscrite dans le mouvement du monde, il est bien évident que l’humanité se trouve aujourd’hui dans une situation sans équivalent dans le déroulement de son histoire. Le point de rupture n’a jamais été aussi proche et nul catastrophisme ou autre millénarisme dans cette affirmation, point d’idéologie, mais juste un constat évident, incontestable, si prégnant qu’il a pénétré une part importante de la population au point de générer certaines évolutions notables, même si parfaitement insuffisantes. Parmi les quelques signes lisibles, il y a notamment le vote qui a eu lieu lors des élections du parlement européen, les sommets internationaux au chevet de la planète qui se multiplient, mais surtout une cohorte de mouvements citoyens engagés qui aspirent à construire un autre monde autour de ce que l’on nomme aujourd’hui l’altermondialisme. De fait, ce vaste « mouvement des mouvements », opposé à la mercantile mondialisation imposée par le capitalisme triomphant de la fin des années 90 [7], ne fait que capitaliser un héritage constitué de ces multiples pensées qui ont tenté d’éveiller le monde à son devenir forcément problématique au regard du chemin emprunté. Tout cela est maintenant absolument incontournable, et il n’est qu’à constater l’empressement de certains de nos décideurs à se convertir à la pensée verte pour mesurer combien l’écologie politique se fait indispensable.

Pour autant, le problème majeur des inégalités « nord-sud » demeure si prééminent que le fossé considérable qui sépare ces deux mondes doit s’inscrire comme la toute première urgence à prendre en considération tant l’équilibre global dépend de cette prémisse. Dans ce sens, il est de toute première urgence que l’avenir de ces régions du monde s’inscrive dans la logique du développement soutenable. Nos erreurs doivent ne pas être reproduites au risque d’amplifier les déséquilibres écologiques majeurs qui se dessinent à l’horizon. Ainsi, le continent africain doit se définir comme le laboratoire du seul modèle viable, il en va de l’intérêt général du monde. A titre d’exemple, le monde agricole africain devrait se construire sur les critères imposés par le cahier des charges de l’agriculture biologique comme l’exprime parfaitement le journaliste burundais Alexis Sinduhije dans un article récent consacré à la démocratie dans son pays [8]. Et cela n’est pas utopique, car l’utopie, pour reprendre une idée fondamentale émise par Jean Zin c’est de croire que notre mode de civilisation peut continuer ainsi ! Dans la droite ligne de la pensée d’André Gorz, dont il se veut porteur, cet auteur a commis un petit ouvrage diablement intelligent, parfaitement didactique et pragmatique, donc dépourvu de toute idéologie, consacré à l’écologie politique à l’ère de l’information [9]. Ce travail lumineux, diamétralement opposé aux démonstrations télévisuelles stériles et lénifiantes des tartuffes de l’écologie, contient nombre de solutions de bon sens qui, à terme, devraient logiquement s’imposer à cette nouvelle globalité humaine qui prend forme. Certes, l’exercice n’est pas si simple, mais gageons que le sens du vivant, dans sa totalité pleine [1O], finira bien par s’imposer à nous car il est ce mouvement perpétuel qui buissonne et tâtonne afin de perdurer [11]. Nul dessein intelligent derrière cela, nulle vision anthropique, mais juste la hantise du vide. A l’échelle individuelle, en décidant de combler ses vacuités au moyen de son ego surdimensionné, la consommation en bandoulière, l’homme a cessé de se projeter en choisissant de se réaliser dans l’instant, ne se résumant qu’à ce qu’il consomme égoïstement. Avec l’hégémonie du capitalisme, cette tendance est devenue loi, puis dogme.

S’il ne manquera pas à terme d’infléchir le basculement du monde vers une répartition plus juste du bien commun, le nouvel ordre mondial ne pourra naître que de l’effondrement total de l’ordre présent tant la vitesse dynamique acquise semble incontrôlable. De ce grand fracas chaotique devrait émerger la conscience globale de demain qui prononcera l’abolition de tous les principes qui menaient l’humanité jusque-là. Le local s’articulera au global, alors que les notions de profit, de spéculation et autre propriété privée seront consignées au rayon des archaïsmes dans les manuels d’histoire virtualisés. Dans un vaste mouvement de dématérialisation/déconsumérisation, l’humain deviendra ce véritable jardinier du vivant à jamais décentré, principalement préoccupé par la préservation/répartition du bien commun. Si d’aventure tel n’était pas le cas (selon une perspective pessimiste), et quoi qu’il advienne de notre espèce, la planète continuera sa ronde féconde autour de son étoile jusqu’à effondrement final, car pour cela nul besoin d’humain.

[1] Jean-paul Deléage, Une histoire de l’écologie, éditions du Seuil, 1994

[2] Donnela & Denis Meadows, Jorgen Randers, William Berhens, The Limits to Growth, Universe Books, 1972.

Version française : Halte à la croissance ? Rapport sur les limites de la croissance, éditions Fayard 1973.

[3] Jean-Marc Jancovici, Qu’y-a-t-il donc dans le rapport du « Club de Rome » ?

[4] René Dumont, L’utopie ou la mort, Le Seuil, 1973.

[5] Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Gallimard, 2006.

[6] Daniel Tanuro, L’inquiétante pensée du mentor écologiste de M. Sarkozy, Le Monde Diplomatique, décembre 2007.

Lire la controverse suscitée par cet article.

[7] Emmanuel Allait, L’altermondialisme – Mouvance ou mouvement ? Editions Ellipses, 2007

[8]Alexis Sinduhije, Burundi, les tambours de la démocratie, Libération du 16 juin 2009.

[9] Jean Zin, L’écologie politique à l’ère de l’information, édition Ére, 2006.

[10] Christian Godin, La totalité, 6 volumes, éditions Champ Vallon, 2003

[11] Edgar Morin, La méthode, éditions du Seuil, 1977.

De l’empreinte écologique à la fin prochaine du PIB

lemonde.fr, Hervé Kempf, le 14 avril 2009

Mathis Wackernagel, co-inventeur de l’empreinte écologique, veut croire à la fin prochaine du PIB

Mathis Wackernagel est tombé dans l’écologie quand il était petit : « Mon père avait été très frappé par le rapport réalisé en 1972 par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) pour le club de Rome sur « les limites de la croissance ». Quand j’avais à peu près 10 ans, il m’a montré les graphes de ce livre en m’expliquant ce qu’ils signifiaient. Cela a fondé mon intérêt pour la question. »

Un intérêt qui ne s’est jamais démenti et a conduit Mathis Wackernagel à devenir le co-inventeur de l’empreinte écologique, une méthode de mesure de l’activité humaine qui pourrait concurrencer le produit intérieur brut (PIB). Celui-ci ne prend pas en compte la dégradation environnementale causée par l’activité économique. Le principe de l’empreinte écologique vise au contraire à calculer la surface d’écosystèmes nécessaire pour fournir les éléments requis par l’activité d’un pays ou d’une région et absorber ses pollutions.

Basé à Oakland, en Californie, Mathis Wackernagel est venu à Paris au début du mois d’avril pour rencontrer des statisticiens du ministère de l’écologie, de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que ceux de la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, créée début 2008 à l’initiative de Nicolas Sarkozy et présidée par Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie. Mission de cette dernière ? Définir de nouveaux indicateurs capables de remédier aux lacunes du système statistique mondial actuel. Son rapport est attendu pour la mi-mai.

Mathis Wackernagel est-il entendu ? « De plus en plus par les experts, estime-t-il. Mais quand l’on regarde les dirigeants du G20, ils abordent tous la récession comme le simple recul du PIB et ne pensent qu’à trouver le moyen de le faire croître encore… » Un postulat que le gamin tombé dans la marmite du rapport au club de Rome s’est juré de mettre à bas.

SCIENTIFIQUE MILITANT

Né en Suisse, à Bâle, en 1962, le jeune Mathis étudie à l’Ecole polytechnique de Zürich, d’où il s’envole en 1990 pour préparer son doctorat au Canada, à Vancouver. Il vient étudier la capacité d’un environnement à supporter l’impact de l’aménagement des territoires. Des mots compliqués, que Mathis Wackernagel, avec son professeur David Rees, cherche à simplifier. « On discutait, une fois de plus, et un jour, David a dit : « Regarde cet ordinateur, il a une faible empreinte au sol ». » La remarque paraît simple mais elle sera féconde. Elle conduit les deux compères à formaliser le concept d’empreinte écologique. Après un premier article de David Rees, en 1992, l’idée devient une méthode de calcul validée par de nombreux articles scientifiques.

Mathis Wackernagel a adopté la stratégie d’un scientifique militant. « Le rapport de 1972 sur les limites de la croissance a été tué par le débat académique, faute de soutien populaire« , explique-t-il. Pour s’assurer que le milieu des statisticiens, par définition conservateur – « Ils doivent maintenir des séries de chiffres dans la durée » -, n’enterrera pas l’empreinte écologique, il fait alliance avec des associations puissantes, trouve son principal appui au Fonds mondial pour la nature (WWF) et fonde, en 2003, le Global Footprint Network (Réseau de l’empreinte écologique).

Un scientifique pressé ? « C’est une erreur de croire que Lire la suite

Le « verdissement » de l’opinion publique

Jean-Paul Bozonnet dans Sciences Humaines N° 40 de juillet/août 2005

Si l’écologisme a fluctué au cours des trente dernières années, le consensus autour des questions environnementales est toujours solide. Seules les formes d’engagement et la sociologie des militants semblent s’être transformées.

Une légende contemporaine attribue volontiers la paternité de l’écologisme au grand chef indien Seattle ; les historiens des idées, comme Luc Ferry, souvent moins bien intentionnés, en découvrent les prémices dans les procès médiévaux contre les animaux ou dans le régime hitlérien. Ils font remonter l’écologisme loin dans le passé, aux romantiques, à Jean-Jacques Rousseau, et même à François d’Assise : en fait, ces reconstructions téléologiques ignorent la spécificité de cette pensée contemporaine qui naît à la fin des années 60. C’est en effet en 1962 que Rachel Carson, avec Le Printemps silencieux, sensibilise l’opinion publique américaine aux agressions chimiques. Puis en 1971, Barry Commoner, dans son ouvrage fondateur, L’Encerclement, élargit le propos à la société industrielle entière et vulgarise l’écologie politique. Enfin, en 1972, le Club de Rome avertit solennellement l’opinion mondiale des « limites de la croissance » et des catastrophes écologiques à venir, prophétie vite réalisée par la crise du pétrole.

L’écologisme est alors pleinement constitué et très largement diffusé dans les opinions publiques occidentales. Lire la suite

OUVRAGE « Signons la paix avec la terre »

Entretien avec Jérôme Bindé, directeur du bureau de la prospective à l’Unesco le 28 février 2008, par Frédéric Stucin (M.Y.O.P) et Walter Bouvais

La crise économique américaine focalise l’attention des médias. Aura-telle la peau du développement durable ? Non, répond Jérôme Bindé, directeur du bureau de la prospective à l’Unesco et coauteur d’un livre qui suggère la dématérialisation de l’économie. Entretien avec l’organisateur des « Entretiens du XXIe siècle ».

2007 a été une année riche pour le développement durable. 2008 démarre avec des secousses financières. Ne craignez-vous pas que la santé de la planète repasse au second plan ?

Vous avez raison de vous en inquiéter : beaucoup vont penser « finances d’abord ». Mais nous avons changé d’époque. Les signes annonciateurs d’une catastrophe environnementale se multiplient et même le citoyen le moins informé ne peut ignorer que quelque chose se passe. Qu’une action vigoureuse, à la fois urgente et de long terme, est nécessaire. La conscience planétaire croît chaque année : peut-on désormais revenir en arrière ? Il me semble que la question du développement durable ne peut plus être mise de côté, comme cela est arrivé Lire la suite