idee-jour.fr, le mardi 7 juillet 2009, par Xavier Renou
Une idée à défendre : la désobéissance civile !
Il y a près d’un quart de siècle, l’Europe passait en bloc au néo-libéralisme, à la suite des Etats-Unis. Vraies droites et pseudo-gauches renonçaient du jour au lendemain à leurs vieux habits keynésiens pour se convertir aux politiques dites du consensus de Washington : désinflation compétitive, dérégulation du crédit, des loyers, des taux de change et des marchés financiers, indépendance des banques centrales, politique de monnaies fortes, réduction du coût du travail, transfert massif des revenus vers le capital, sous-traitance et libre-échange imposés ou généralisés, privatisation ou démantèlement progressif des services publics… Avec pour résultat une explosion de la nouvelle pauvreté et de la population carcérale, une accélération du réchauffement climatique et des bénéfices tirés des revenus financiers, l’augmentation des morts aux frontières fermées et la précarisation d’une grande partie de la main d’œuvre.
Tout cela est relativement connu, au moins d’une partie significative de la population, qui a accès au minimum de culture politique et économique disponible dans la presse, dans les cours d’université, dans les livres et dans les interventions de nombre d’associations militantes, écologistes, de solidarité ou d’éducation populaire. Une partie de la population qui pour n’être peut-être pas majoritaire, n’en constitue pas moins une force capable de peser. Mais qui ne pèse pas. Pourtant, les victimes du néolibéralisme et les gens un peu éclairés continuent de défiler dans les rues, de mener des grèves d’une journée par catégorie professionnelle, de fréquenter les conférences où l’on s’indigne ensemble, en se tenant chaud, et n’oublient évidemment jamais de signer la pétition à la fin. Puis rentrent chez eux, en attendant la prochaine occasion de protester en chœur. Pour rien, bien souvent, mais qui ose se l’avouer ?
La contestation ne conteste pas ses propres méthodes
Parce que la contestation ne se conteste plus elle-même. Je veux dire qu’elle conteste l’ordre injuste des choses, mais assez peu ses propres méthodes. Elle soumet le monde à l’analyse, mais choisit de protéger de l’analyse ses modes d’action, dont l’efficacité est pourtant criante. Pour une part, cette absence d’auto-critique peut être mise au compte de responsables associatifs et syndicaux aux situations professionnelles confortables. C’est un processus classique, auquel il est difficile d’échapper : on proteste, puis on s’organise, et finalement certains conquièrent des positions, attachées à des rentes (symboliques ou matérielles) qui leur procurent de redoutables satisfactions : payés, travaillant dans des conditions de travail meilleures que la plupart des salariés, ils ont en prime un supplément d’âme, la considération de leurs concitoyens, et la reconnaissance des médias. Bref, ils ont réussi à se mettre à l’abri contre les maux qu’ils dénoncent par ailleurs, et tant mieux pour eux ! Seulement, du coup, ils regardent la possibilité de changer de méthode, de s’ouvrir à de nouvelles tactiques plus radicales comme présentant des risques incompatibles avec leurs sécurités professionnelles et personnelles. Les permanents du changement qui ne vient jamais n’aiment pas le changement quand il s’agit du leur, on peut le comprendre facilement.
Mimer la contestation d’un ordre sans jamais lui désobéir est devenu notre lot quotidien
Mais on serait de bien mauvaise foi si l’on s’en prenait aux seuls permanents des organisations progressistes : nous, les militants, avons aussi notre part de responsabilité dans cette attitude qui consiste à préférer le confort de moyens routiniers mais absolument sans risques à l’aventure de la radicalité, avec ses formes de résistance plus « désobéissantes ». Mimer la contestation d’un ordre sans jamais lui désobéir est devenu notre lot quotidien : nous déclarons bien sagement nos manifestations, et acceptons par conséquent qu’elles soient dirigées par les forces de l’ordre et qu’elles s’achèvent à l’heure et au lieu choisis par la préfecture de police. Nous continuons de proposer nos pétitions aux gens sans jamais questionner leur efficacité ni le signal qu’elles leur envoient : est-ce qu’on ne leur fait pas croire à la bonne foi des décideurs ? Est-ce qu’on ne les aide pas à se soulager la conscience à peu de frais, en leur garantissant une absence totale de risques ?
L’urgence sociale et environnementale exige pourtant de revenir à des modes d’action plus radicaux. Qu’on se rappelle un peu Lire la suite →
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