Montée des eaux : les Maldives cherchent des terres d’accueil

lemonde.fr, Frédéric Bobin, le 16 avril 2009

Face à la montée des eaux, les Maldives cherchent des terres d’accueil

Malé est comme un lourd plateau urbain posé à fleur d’océan Indien. Les vagues viennent mourir en gerbes d’écume sur la ceinture de blocs de béton qui entoure cette île d’à peine deux kilomètres carrés. Soixante-dix mille personnes s’y entassent. Pour l’heure, cette barrière artificielle tient bon. Elle a réussi à protéger la capitale de ce singulier Etat des Maldives, archipel aux vingt-six atolls et aux 1 200 îles dont les écrins de corail occupent une place de choix dans les catalogues du tourisme mondial. Mais pour combien de temps encore ?

Même cause, même réaction : face à la montée des eaux qui les menacent, les îles Kiribati, un archipel du Pacifique, envisagent de se lancer dans l’achat de nouvelles terres. « L’alternative, c’est de mourir, de disparaître« , a déclaré le président de cet Etat, Anote Tong.

Les Kiribati doivent faire face à une montée des eaux de 5 mm par an depuis 1991, qui entraîne notamment une salinisation de l’eau douce. Dans un premier temps, le gouvernement avait opté pour une politique de formation et d’émigration maîtrisée. Mais la crise économique l’a conduit à envisager cette solution plus radicale.

« Ne soyons pas naïfs et préparons-nous au scénario du pire« , avertit Mohammed Aslam, le ministre de l’environnement. Le pire, c’est l’engloutissement à venir de l’archipel sous l’effet de la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique. Cette angoisse taraude les dirigeants maldiviens depuis que certaines études, en particulier les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ont commencé à tirer la sonnette d’alarme.

« C’est pour nous une question de survie« , précise Amjad Abdullah, le directeur général du ministère. Le nouveau président des Maldives, Mohamed Anni Nasheed, élu en octobre 2008, a annoncé, au lendemain de son investiture, la création d’un fonds souverain destiné à acheter des terres dans les Etats voisins. Cette annonce a deux objectifs : sensibiliser la communauté internationale et, surtout, trouver une terre d’accueil pour les réfugiés climatiques que risquent de devenir un jour les Maldiviens. L’idée a soulevé un certain scepticisme au regard de l’imbroglio juridique que constitueraient de telles acquisitions foncières sur un sol étranger.

Voilà plus de deux décennies que l’archipel vit au rythme d’inquiétants phénomènes « exceptionnels ». Il y eut d’abord le raz-de-marée de 1987, qui inonda une partie de Malé et causa un choc profond dans la population. Puis le phénomène climatique El Niño, qui provoqua, en 1998, un blanchissement massif des coraux : 90 % de ceux situés à moins de 15 mètres de profondeur périrent. Enfin, le tsunami de décembre 2004 frappa sévèrement l’archipel, détruisant deux îles, imposant l’évacuation de six autres, et le déplacement de près de 4 000 personnes (sur 280 000 habitants).

ANGOISSE EXISTENTIELLE

« Les événements extrêmes tendent à provoquer de plus en plus de dégâts », constate Shiham Adam, directeur du Centre de recherche sur la mer de Malé. La fragilité de l’archipel tient à sa configuration : pour 80 %, sa surface terrestre est située à moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer. Si les prédictions des experts du GIEC se révèlent exactes, une partie des atolls maldiviens n’y résistera pas.

La menace est accrue par une autre particularité des Maldives : l’exiguïté des îlots, dont 96 % ont une superficie inférieure à un kilomètre carré. Résultat : 47 % de l’habitat est localisé à moins de 100 mètres de la côte, soit à proximité de la « ligne de front ». « Nous n’avons aucun hinterland : en cas de crise, grimper aux cocotiers est notre seul recours », ironise Ahmed Abdullah Saeed, rédacteur en chef du groupe de presse Haveeru.

Des solutions à court terme existent : gagner de la terre sur la mer, par exemple. La faible profondeur des lagons permet l’extension des îlots existants, voire la création de nouvelles îles. L’industrie touristique, qui attire 600 000 visiteurs par an, ne s’en prive pas. Mais les moyens utilisés – construction de jetées en béton, extraction de sable, brèches ouvertes à l’explosif dans le récif corallien, etc. – bouleversent un écosystème déjà fragile. Ajoutés à la hausse de la température des eaux, ils accélèrent l’érosion des plages en endommageant les coraux, ces « usines » à produire du sable.

« Le problème du réchauffement climatique, ce n’est pas tant la montée des eaux que la mort des coraux », estime Thomas Leber, un expert d’un bureau d’études environnementales. Car l’acidification des océans provoquée par les émissions de gaz à effet de serre est fatale à ces organismes, déjà fragilisés par certaines pratiques de pêche, comme les captures massives de mérous, espèce qui joue un rôle capital dans l’équilibre du récif corallien. Shiham Adam, le directeur du Centre de recherche sur la mer, rappelle l’évidence : « S’il n’y a plus de coraux, il n’y a plus d’îles. » On comprend mieux l’angoisse existentielle qui saisit progressivement l’archipel.

Prochain volet : l’Arabie saoudite.

Infographie Les quatre plus gros acquéreurs de terres agricoles

Sécurité alimentaire (2/5) Au Mali, les nouvelles mises en culture bénéficient surtout aux investisseurs libyens

Sécurité alimentaire (1/5) Les terres agricoles, de plus en plus convoitées

Edition abonnés Archive : La crise alimentaire, un risque politique négligé

 

Une Réponse

Laisser un commentaire