Energie : Coup de solaire sur le Sud-Ouest

sudouest.com, Bernard Broustet, le 22 Décembre 2009

ENERGIE. Alors que le numéro un mondial des panneaux va investir en Gironde, les projets de fermes solaires pullulent dans la région.

Coup de solaire sur le Sud-Ouest

La région abrite déjà à Losse (Landes) ce qui sera la plus grande installation photovoltaïque de France. Et la plus grosse usine française de panneaux va être construite à Blanquefort (Gironde) par l’américain First Solar, numéro un mondial de la spécialité (cliquez ici pour lire l’article). Le chantier devrait débuter en septembre 2010, la production en 2012. Le contrat-cadre de cette opération a été signé hier entre le ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Espace rural, Michel Mercier, les collectivités locales qui apportent leur contribution et le président de First Solar, Bruce Sohn. Ces deux opérations témoignent de l’ampleur de la fièvre solaire qui se manifeste dans l’Hexagone, et notamment en Aquitaine.

Incitations juteuses

Plus encore que l’éolien, le photovoltaïque était longtemps resté en France dans une situation de marginalité absolue, du fait de son coût et de la prépondérance du nucléaire. Mais la conférence de Kyoto, les directives européennes, les baisses de coûts progressives et le Grenelle de l’environnement ont changé la donne. Le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, a fixé pour objectif en 2020 un potentiel installé de 5 400 mégawatts, soit moins que la somme des puissances installées des centrales nucléaires de Golfech et de Braud-et-Saint-Louis, mais infiniment plus que les quelques dizaines de mégawatts aujourd’hui en service.

Une moitié ou plus de ce potentiel pourrait provenir des modules installés sur les toitures des maisons et des locaux professionnels (hangars agricoles, parkings), bénéficiant à ce jour au moins d’incitations juteuses (prix de rachat garanti sur vingt ans, crédit d’impôt, etc.). Mais une bonne partie de ce courant solaire devrait être fournie par des « fermes » regroupant des panneaux au sol.

Dans cette perspective, la forêt des Landes de Gascogne fait l’objet d’une sollicitude nourrie. Car si elle n’est pas la zone la plus chaude de France, elle n’est pas non plus la plus froide. Surtout, l’espace y est vaste et peu cher. Et, après les ravages de la tempête, le photovoltaïque apparaît, à tort ou à raison, comme une bouée de sauvetage.

Le massif a donc été prospecté en long et large par des opérateurs divers. Le plus puissant d’entre eux est EDF Énergies nouvelles. La filiale du géant français se taille la part du lion dans les projets aujourd’hui en cours de réalisation (Losse) ou de gestation (Saint-Symphorien, Cestas, etc.). La Compagnie du Vent, filiale de GDF-Suez, fait aussi partie des visiteurs du massif, au même titre que de plus petites entreprises comme Eosol ou Solarezo (voir ci-dessous).

Dans ce domaine, la discrétion est souvent de mise : parfois placés en concurrence, les communes et les propriétaires n’ont pas forcément envie de voir partir la poule aux oeufs d’or (les locations de surfaces) chez le voisin. « Le photovoltaïque est parfois devenu une obsession », constate Philippe Sartre, maire de Garein (Landes) et président de la commission urbanisme du Parc naturel des Landes de Gascogne, qui s’efforce de faire respecter le très riche patrimoine environnemental du massif.

La fièvre qui a frappé la région était sans doute d’autant plus forte que le paysage institutionnel et économique était plutôt favorable aux porteurs de projet. D’une part, EDF s’est engagée à Lire la suite

Bernos-Beaulac. Le maire Philippe Courbe réactive un vent de fronde anti-LGV

sudouest.com, Lascurreges, le 22 décembre 2009

BERNOS-BEAULAC. Le maire Philippe Courbe réactive un vent de fronde anti-LGV

Cette LGV dont ils ne veulent pas

 «Il y a l’itinéraire grand gabarrit, le gazoduc, l’A 65, la LGV et maintenant, cerise sur le gâteau, on nous annonce une nouvelle ligne à haute tension. Il ne nous manque plus que le deuxième aéroport de Bordeaux. » Philippe Courbe a envie de pousser un coup de gueule, à l’idée de voir sa commune lacérée et balafrée par tout un tas d’infrastructures. Le maire socialiste de Bernos-Beaulac qui a le soutien de son Conseil municipal rappelle ici les raisons pour lesquelles il s’oppose en particulier au projet de LGV.

Des atteintes irréversibles

« L’opposition locale est importante et sous-estimée par RFF. Il y a derrière ce projet une réelle atteinte à la qualité de vie doublée de nuisances et préjudices à l’environnement et au patrimoine. Les impacts sont de plusieurs ordres. Il y a une atteinte à la biodiversité et aux espèces endémiques sur des zones classées Natura 2000, dans les vallées de la Gouaneyre et du Ciron. On va hypothéquer la vulnérabilité des captages de nos eaux de sources gérées par le Syndicat des eaux et de l’assainissement du Bazadais. Et puis, il y a un impact sur la forêt à un moment où l’on parle de la régénérer. »

Le maire de Bernos-Beaulac ajoute à ces éléments tous les arguments d’ordre économique, considérant que « ces investissements vont mettre en faillite les finances régionales et ne prennent pas en compte les déficits d’exploitation des A 65 et de la LGV, qui vont entraîner une hausse de la fiscalité, au-delà d’une sous-évaluation du coût des travaux ».

Un signal à Alain Rousset

Bref, Philippe Courbe note au passage l’abstention des Verts à la dernière séance plénière du Conseil régional sur le grand projet ferroviaire. Lui aussi privilégie la LGV sur des lignes existantes et priorise un réel développement du ferroutage, voire même du cabotage pour le transport des marchandises plutôt que de valoriser la grande vitesse au profit de quelques voyageurs privilégiés.

La campagne des régionales est lancée. Et même si Philippe Courbe considère « qu’Alain Rousset est un bon président », il indique qu’il n’en partage pas tous les points de vue au moins sur la politique des nouvelles infrastructures. « Je suis prêt à inviter Alain Rousset et le directeur de RFF, ici sur le terrain », lance le maire de Bernos-Beaulac : « Je leur montrerai par exemple que la vallée de la Gouaneyre est un endroit magnifique et qu’elle ne mérite pas ce que l’on lui réserve ». Et que l’on ne vienne pas lui parler de gare, de fret ou de service express régional. « On n’en croit pas un mot. Et de toute façon, on n’en veut pas », lui soufflent les conseillers municipaux présents.

Appel à la résistance

Aujourd’hui, une voix s’élève dans le pays bazadais. Philippe Courbe aura sans doute besoin d’ici peu de compter les maires qui voudront le rejoindre dans ce qui pourrait être un appel à la résistance, sans occulter le droit de faire des propositions.

Ce sera sans doute difficile, si l’on considère que Lire la suite

Surfrider Foundation : Bayonne, Anglet et Biarritz en concurrence pour le siège européen

sudouest.com, Pierre Penin, le 22 Décembre 2009

SURFRIDER. La Ville propose l’ancien site de l’université à l’organisation. Mais Anglet et Biarritz sont en lice

Bayonne en concurrence pour le siège européen

Où Surfrider foundation installera-t-elle son siège européen ? Actuellement à l’étroit dans ses locaux biarrots (avenue de Verdun), l’organisation écologiste a fait savoir au printemps dernier sa volonté de déménager. La Ville de Bayonne est sur les rangs. Jean Grenet observe une grande prudence : « Rien n’est signé, il est donc prématuré d’évoquer ce sujet », pose le maire. Le dossier est très sensible, car Bayonne, Anglet et Biarritz se disputent Surfrider.

« On est en début de négociation », tempère Xavier Giamporcaro, chef de projet partenariat et développement pour Surfrider Europe. « Nous avons sollicité la Communauté d’agglomération du BAB, nous avons précisé nos besoins. » Soit, au grand minimum, « le double » des 225 m2 de surface utile actuels. Plutôt dans les 1 000 m2, pour loger son équipe actuelle et anticiper son développement. « Nous explosons depuis quatre ans, les nouveaux locaux devront répondre à nos besoins futurs. »

L’option Saint-Crouts

Initialement, l’association envisageait une construction, évidemment en haute qualité environnementale (HQE). « L’idée de départ est celle-là, confirme le président Gilles Asenjo. Mais on s’interroge aussi sur la possibilité d’adapter des locaux existants. » C’est la proposition bayonnaise. La Ville ouvre l’espace encore vacant sur le site de l’ancienne université, à Saint-Crouts.

Surfrider l’envisage et ne s’en cache pas, affirme « avancer dans les discussions avec Bayonne ». Mais son président nuance dans la seconde : « Il n’y a rien de figé. On n’a pas pris de décision. Toutes les possibilités ont leur intérêt. On est encore à l’écoute des trois municipalités. »

Pour Biarritz, l’adjoint aux sports Michel Poueyts revendique la légitimité des origines. Les surfeurs mobilisés pour l’environnement ont toujours siégé à Biarritz. « Surfrider a toute sa place chez nous. Nous sommes des partenaires privilégiés et naturels. » La perspective de la Cité de l’océan renforce, pour l’élu biarrot, la candidature de sa ville. Ne pas comprendre ici que la cité côtière envisage un lieu sur ladite cité. C’est dans le futur quartier Kleber que Biarritz envisage de loger Surfrider. Ce ne sera pas avant deux ans : l’association attendra-t-elle ?

Quant à Anglet, elle suggère deux espaces. L’un à la Barre, face à l’ancien camping éponyme, avec vue sur l’Adour. L’autre pourrait être Baia parc, sur le domaine portuaire.

« Pas un choix politique »

L’organisation réserve donc son choix. Mais les concurrents devraient bientôt savoir. Courant janvier, l’association réunira un conseil d’administration censé trancher la destination du déménagement.

Les administrateurs seront guidés par « des impératifs professionnels, techniques uniquement », appuie Gilles Asenjo. Pour être plus clair encore : « On ne fera pas un choix politique. » Précision d’importance dans ce dossier aux enjeux certains, sur fond de rivalité entre les villes. Le siège de Surfrider est une Lire la suite

Quelles pratiques démocratiques ? Pour mieux faire société

mediapart.fr, Jean-Claude Charrié, le 22 Décembre 2009

Quelles pratiques démocratiques ? Pour mieux faire société

La mode, la grande mode est à la « démocratie participative ».

Aujourd’hui « leitmotiv » assumé de leaders politiques célèbres et célébrés, la démocratie participative est en réalité dans les tuyaux depuis bien avant la dernière élection présidentielle, elle trouve ses racines si je ne me trompe dans la décentralisation, du moins dans sa forme et son acception moderne.

Et nul doute qu’ils sont forts nombreux, tous les élus et toutes les élues qui « s’en réclament ».

De quoi s’agit-il ?

Tout simplement d’associer. D’associer le citoyen à la prise de décision, d’associer la « société civile » à l’exercice politique, d’associer la mythique démocratie directe à la désormais suspecte démocratie représentative.

Pour une étude très sérieuse de la chose, je ne saurais trop recommander les travaux de Pierre Rosanvallon, en particulier « La légitimité démocratique » (Septembre 2008 au Seuil).

En contrepoint, je vous propose, beaucoup plus brièvement ici, de rester au raz des pâquerettes et de la chose vécue, de notre quotidienne citoyenneté en quelque sorte.    

Au-delà de l’association des gens aux décisions qui les concernent, il s’agit bien en effet de légitimité.
Les prémices de cette affaire sont peut-être à rechercher du côté par exemple du Conseil Economique et Social inscrit dans notre constitution de 1958
(lui-même lointain héritier à en croire Wikipédia d’une initiative de la IIIe République en 1925).

Puis il y eut aussi et vivent encore, les « commissions extramunicipales », les « conseils de quartier », « les assemblées de ceci ou de cela »… toutes formes qui doivent beaucoup à notre gauche nationalement minoritaire pendant les si longues années de règne du Général, puis de Pompidou, puis de Giscard.

Ce fut une éternité, un tunnel pendant la traversée duquel la gamberge est venue au secours de l’impatience et/ou de la frustration.

Et l’imagination prenant le pouvoir faute de l’exercer, les esprits en surchauffe n’ont pas manqué de produire, d’inventer, de construire et d’argumenter.

Et c’est ainsi que sont convoqués au sacre de la démocratie participative, tous les archétypes de la rhétorique démocratique tout court : contre pouvoirs, équilibre des pouvoirs, démocratie directe … tous concepts procédant de l’exercice critique légitime d’une minorité.   Et c’est à partir de ces constructions théoriques, de ces représentations principielles qu’il me semble intéressant d’apprécier Lire la suite

Malgré l’échec de Copenhague, M. Sarkozy continue d’investir le terrain de l’écologie

lemonde.fr, Arnaud Leparmentier, le 21 décembre 2009

Malgré l’échec de Copenhague, M. Sarkozy continue d’investir le terrain de l’écologie

On continue comme avant. En dépit de l’échec de Copenhague, Nicolas Sarkozy veut continuer d’occuper le terrain de l’écologie en France. « Le président ne cédera pas d’un pouce sur les engagements qu’il a pris« , explique Franck Louvrier, conseiller en communication de l’Elysée.

Le chef de l’Etat recevra en début de semaine les associations environnementales et compte, selon M. Louvrier, prendre des « initiatives fortes », alors que de nouveaux rendez-vous sont attendus au printemps 2010 à Bonn, en Allemagne, et à la fin de l’année à Mexico. Il n’empêche, la France est menacée d’un « Copenhague-blues ».

« Il va y avoir un questionnement sur les politiques française et européenne qui avaient vocation à s’inscrire dans un espace mondial« , analyse la spécialiste de l’environnement, la secrétaire d’Etat Nathalie Kosciusko-Morizet. « Ces politiques ne perdent pas forcément de leur pertinence, mais doivent être réinterprétées. Soit l’on tombe dans les désillusions : le monde va dans le mur, allons-y gaiement sous la pression des industriels qui demanderont la levée des contraintes. Soit l’on persévère. Mais cela implique de poser la question de la compensation carbone aux frontières de l’Europe ou d’un espace plus vaste de pays décidés à lutter contre le réchauffement« , précise-t-elle.

Toutefois, la taxe aux frontières proposée par M. Sarkozy ne fait pas l’unanimité en Europe. Mme Kosciusko-Morizet déplore que l’Union européenne impose essentiellement des normes. Elle propose la création d’une politique de l’environnement intégrée, par exemple en matière de recherche.

« PERSÉVÉRANCE »

A l’approche des élections régionales de mars 2010, la droite veut capitaliser sur l’engagement écologique du chef de l’Etat. L’UMP oppose son « écologie populaire » qui lie environnement et croissance, à l' »écologie politique » des Verts, qui aurait reçu un camouflet. « On l’a bien vu à Copenhague, l’argument de la décroissance ne fonctionne dans aucun pays du monde« , estime M. Louvrier, qui conseille aux Verts de « faire un séminaire pour repenser leurs thèses ».

L’idée est de se différencier du parti écologiste après le coup de semonce reçu en septembre à Rambouillet, où les Verts ont failli gagner une législative dans une circonscription ancrée à droite. « Nous devons tenir notre discours sur la croissance verte créatrice d’emplois« , renchérit Mme Kosciusko-Morizet.

Il convient aussi de convaincre les Français qu’ils ne sont pas dispensés d’efforts. « L’Europe fait partie des grands pollueurs« , rappelle Brice Hortefeux, le ministre de l’intérieur. Le gouvernement ne remettra pas en cause l’introduction au 1er janvier de la taxe carbone, qui renchérira le prix de l’essence. « Les Français toucheront leur chèque Vert en février », affirme M. Louvrier.

Pour Hervé Mariton, « Copenhague est une invitation à la persévérance ». Le député de la Drôme, proche de Dominique de Villepin, estime que la politique de l’environnement doit Lire la suite

« On a oublié d’inviter la Terre à la conférence sur le climat »par Michel Serres

lemonde.fr, Michel Serres, philosophe, propos recueillis par Catherine Vincent, le 21 décembre 2009

« On a oublié d’inviter la Terre à la conférence sur le climat »

Professeur à l’université de Standford, Académicien, Michel Serres est l’un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture. Dans son dernier essai en date, Temps des crises (éd. Le Pommier, 84 p., 10 euros), il retrace les bouleversements qui ont récemment transformé notre condition humaine, et soutient que la planète doit devenir un acteur essentiel de la scène politique. Nous lui avons demandé sa version du sommet de Copenhague.

Douze jours de négociations pour aboutir à un accord a minima : la montagne a accouché d’une souris. Pourquoi un bilan si décevant ?

Copenhague est à la géopolitique ce que les accords de Munich, en septembre 1938, ont été à la politique : un compromis lâche et dilatoire. Mais la comparaison s’arrête là. Si le sommet sur le climat a été un échec, c’est d’abord parce que mettre 192 personnes autour d’une table relève de la grand-messe plus que de négociations véritables. Le problème vient surtout de ce que ces 192 personnes sont des hommes d’Etat, dont la mission première est de défendre les intérêts de leur gouvernement et de leur pays. La politique, c’est son rôle, examine les relations humaines, fussent-elles conflictuelles.

Or, l’enjeu de Copenhague n’était pas les relations humaines, mais le réchauffement de la planète, la fonte des pôles, la montée des eaux, la disparition des espèces. Il s’agit d’un objet qui dépasse l’horizon classique du politique. Ce que montre avant tout le sommet de Copenhague, c’est que les limites du politique, au sens traditionnel du mot, sont aujourd’hui atteintes à un point sans précédent dans l’histoire.

L’échec était donc écrit d’avance ?

Il était en tout cas probable, et pour une raison simple : on a oublié d’inviter à Copenhague un partenaire essentiel, composé d’air, de feu, d’eau et d’êtres vivants. Cette absente, qui n’a encore jamais siégé dans aucun Parlement, je l’appelle la « Biogée », pour dire en un seul mot la vie et la Terre. C’est un pays dont nous sommes tous issus. Qui va représenter ce pays-là ? Quel sera son ambassadeur, quelle langue parlera-t-il ? Cela reste à inventer. Mais nos institutions ne peuvent plus désormais se contenter de jeux à deux. Le jeu de demain doit se jouer à trois : nous ne pourrons plus rien faire sans tenir compte de la Biogée.

Jouer à trois, que voulez-vous dire ?

Il y a un tableau de Goya, Duel à coups de gourdin, qui l’explique très bien. On y voit deux hommes se battre avec des bâtons. De ce jeu à deux, qui va sortir gagnant ? Quand Hegel met aux prises le maître et l’esclave, il donne le résultat de leur lutte (l’esclave devenant le maître du maître), mais il oublie de dire où se déroule la scène. Goya, qui est peintre, ne peut pas se permettre cet oubli, et il situe cette bagarre… dans les sables mouvants. A mesure que les deux hommes se tapent dessus, ils s’enfoncent ! Et voilà pourquoi le jeu à trois, aujourd’hui, devient indispensable.

Les hommes politiques peuvent continuer de gérer leurs conflits de façon stratégique, guerrière ou diplomatique : tant qu’ils oublieront de représenter la Biogée, ils s’enfonceront dans les sables mouvants. A Copenhague, j’aurais voulu que ce tableau soit au milieu de l’amphithéâtre !

« Si le climat était une banque, on l’aurait déjà sauvé », a ironisé le président du Venezuela, Hugo Chavez, durant le sommet. Que vous inspire cette remarque ?

Ce que souligne Chavez, c’est la suprématie qu’a prise l’économie dans la gestion de notre monde. Depuis cent cinquante ans, il est entendu, aussi bien par la gauche extrême marxiste que par la droite la plus pure, que l’économie Lire la suite

Planète : la société civile ne peut plus compter que sur elle-même, par Corinne Lepage

lemonde.fr, Corinne Lepage, vice-présidente du MoDem, présidente de CAP21, eurodéputée, le 22 décembre 2009

Planète : la société civile ne peut plus compter que sur elle-même, par Corinne Lepage

Tout d’abord, soyons clairs. C’est un échec sur toute la ligne et il n’y a même pas de quoi sauver la face. Il n’existe aucun accord puisque les 192 nations réunies à Copenhague n’ont fait que prendre acte d’un texte sans l’approuver. Il n’y a aucun accord puisqu’il n’y a aucun engagement. Aucun objectif précis dans la lutte contre le réchauffement climatique n’est fixé pour 2050, et a fortiori pour 2020. Et contrairement à ce qu’a annoncé le président Sarkozy, les trois annexes jointes au texte accepté par vingt nations ne seront pas remplies puisque aucun accord n’a été signé.

C’est un échec humiliant pour l’Europe puisque le président Obama, qui n’a pas été à la hauteur de son prix Nobel, a présenté ce pseudo-accord aux Européens après l’avoir négocié avec la Chine, l’Inde et le Brésil. Non seulement l’Europe s’est révélée incapable de parler d’une voix et d’avoir sa place, mais encore elle apparaît comme à la traîne, alors qu’elle est en réalité, parmi les pays industrialisés, la seule à avoir pour le moment réalisé des efforts concrets. Enfin, pour ceux qui, comme le président Sarkozy ou Gordon Brown, croyaient pouvoir endosser l’habit de sauveur de la planète, l’échec est encore plus retentissant.

Il est évident que tout ou presque est à recommencer. Personne – à commencer évidemment par tous écologistes sincères – ne doit se contenter de lancer des invectives et de désigner des responsables. Chacun doit repenser la stratégie pour ne pas laisser le champ libre aux fossoyeurs organisés de Copenhague et d’une partie au moins de l’humanité.

Eviter que ce fiasco se transforme en succès pour les climato-sceptiques, les pétroliers et autres lobbys – dont la cupidité, l’esprit de rentier, et pour certains le simple ego, l’emportent sur tout, y compris leur simple intérêt d’être humain, responsable, ne serait-ce qu’à l’égard de leur propre famille – à l’instar du patronat d’un grand pays industrialisé fêtant au champagne au Bella Center, vendredi soir, l’échec de la convention ou du premier ministre du Canada qui se dit très heureux de l’échec ? La réponse est dans la révolte, le refus de toute résignation et l’action organisée des citoyens et consommateurs.

Eviter que les débuts d’une économie verte, qui pourrait jouer un rôle majeur dans la transformation du monde, même si ce n’est pas la solution unique, ne se fracassent devant une incertitude des politiques publiques à venir ? La réponse est dans la responsabilité sociale des entreprises, le développement de la consommation responsable et les nouveaux comportements qui encourageront les entreprises dans cette voie.

Eviter que les engagements financiers à l’égard des pays en développement, à commencer par l’Afrique et l’Alliance des petits Etats insulaires (Aosis), même s’ils n’ont pas été formalisés dans un accord, soient oubliés, à commencer par l’Europe qui a besoin de redorer son blason. La réponse est dans le changement d’attitude à l’égard de l’Afrique, en particulier, pour rétablir la confiance en tenant à la virgule les promesses faites et en assurant réellement les transferts de technologie et la réalisation d’opérations concrètes.

Il est désormais clair qu’il n’est plus possible de faire confiance aux politiques, devenus des hommes d’affaires et non des responsables politiques, pour reprendre l’expression du président brésilien Lula, pour résoudre les problèmes du monde. Le court terme et les visions géostratégiques l’emportent sur le fondamental : notre survie.

Il restera de l’année 2009 que les dirigeants du monde ont été capables de sauver les banques et de leur allouer des milliers de milliards de dollars sans contrepartie, mais ont été incapables de mobiliser quelques dizaines de milliards de dollars pour éviter la disparition de zones entières, l’exode de millions de personnes, l’accroissement de la famine et de la pauvreté de millions d’autres ou les conséquences humaines des phénomènes extrêmes. Et même, puisqu’ils semblerait que cela soit la seule donnée qui compte, la perte de centaines de milliards de dollars, puisque c’est le coût du réchauffement, réévalué récemment par Lord Stern.

Il faut donc changer de gouvernance et le gouverneur Schwarzenegger l’a clairement exprimé. Ce n’est pas dans les couloirs de Washington, a-t-il affirmé, mais dans les grands mouvements sociaux, citant le mouvement des femmes ou de la résistance à la guerre du Vietnam, que se font les grands changements. Au fiasco de Copenhague, il faut opposer les réalisations présentées par les villes et régions, dans toutes les régions du monde qui, elles, changent le monde concrètement. Les technologies existent. Restent à trouver les financements en particulier dans le Sud.

La société civile ne peut désormais plus compter que sur elle-même pour assurer son avenir, et c’est cette gouvernance qu’il convient d’organiser. Notre qualité de consommateur doit être utilisée pour choisir en fonction de nos objectifs généraux. Et si la Chine décide de refuser des efforts et exporte son carbone en considérant qu’il doit être mis à notre débit, la réponse est simple : refusons ses produits et achetons-en d’autres fabriqués à proximité ou issus du commerce équitable. Ce que les politiques occidentaux n’ont pas été capables de faire, les consommateurs, s’ils le décidaient réellement, pourraient le faire.

De même, décidons d’encourager les entreprises socialement et environnementalement responsables en favorisant leurs produits au détriment des autres. Un mouvement de grande ampleur en ce sens est indispensable, et il ne pourra se faire qu’avec une alliance entre les grandes associations de consommateurs, les ONG oeuvrant pour le développement et celles qui agissent pour le climat. Il est indispensable que le monde de l’écologie au niveau national comme au niveau international fasse sa mue pour Lire la suite

Climat : qui est responsable du Flopenhague ?

sciences.blogs.liberation.fr, sylvestre Huet, le 21 décembre 2009

Climat : qui est responsable du Flopenhague ?

Qui est responsable du Flopenhague ? La question est posée dans nombre d’éditoriaux depuis ce matin, après le résultat de la COP-15 de Copenhague, et la réponse est souvent naïve.

Les méchants gouvernements n’auraient pas écouté les gentilles ONG environnementalistes. La solution au problème serait de les écouter plus à l’avenir, dans un système de gouvernement mondial miraculeusement compétent, honnête et n’écoutant que les impératifs du développement durable et l’intérêt des générations futures.

Cette vision relève plus des bisounours au pays des négociations mondiales sur le climat que d’une analyse lucide des raisons de leur enlisement actuel.

Comme l’affiche ci-dessus le suggère, le plus gros lobby ayant conduit Obama à la position minimaliste adoptée à Copenhague, c’est tout simplement… celui de ses électeurs. Et c’est pourquoi il ne suffit pas de rompre avec la brutalité d’expression de Georges Bush – l’auteur de «American way of life is not negociable» – pour rejoindre le bal des bons sentiments et des Yaka professés par la plupart des ONG. La grande majorité du peuple américain ne veut pas bouleverser en profondeur un mode de vie énergivore, n’entend ne le négocier avec personne, et c’est cela le « problème » – si problème il y a – d’Obama.

Si Hu Jintao ne veut pas de contrôle sur les émissions de son pays et refuse d’aller plus loin qu’une croissance des émissions inférieure à celle de son PIB, c’est que 200 millions de chinois ont les moyens d’acquérir une voiture et ont bien l’intention de le faire. Et les deux milliards d’être humains qui n’ont pas d’électricité aimeraient bien en avoir… or, elle se fabrique à plus de 60% avec du charbon et du gaz. Toute approche du problème ne partant pas du fait suivant : 80% de l’énergie consommée dans le monde – pour se nourrir, se loger, se chauffer, se déplacer, travailler et commercer – provient de combustibles fossiles, n’a aucune chance de déboucher sur des solutions efficaces. Dénouer le noeud gordien climat/développement constitue le point de passage obligé d’une politique lucide.

Qu’avions nous à Copenhague ?

► Des gouvernements de pays industrialisés et démocratiques – USA, Canada, Europe de l’Ouest, Japon… – contraints de reconnaître la solidité du dossier scientifique des climatologues. Mais incapable de construire un programme économique, technologique, mais surtout social voire culturel, susceptible de conduire à l’objectif des 80% de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Le volet international d’un tel programme consisterait à une réorientation massive des investissements vers des activités peu ou pas carbonées, à l’aide d’encouragements (prêts à taux zéro….) pour ces derniers, et à des mécanismes défavorisants (prêts à taux élevés, taxes) les activités fortement carbonées. En l’absence de miracle technologique, un tel programme suppose en effet non seulement d’utiliser massivement toutes les technologies connues non ou peu émettrices de carbone, mais également de réduire des consommations, des activités, les importations massives d’objets fabriqués dans les nouvelles usines du monde, en Chine et ailleurs. Ou alors il faut remplacer les charters de retraités allant passer une semaine à Louxor ou Marrakech par des bateaux à voiles. Ces réductions d’activités ne seraient aujourd’hui pas acceptées par les électeurs, donc il faudrait choisir entre démocratie et bonne politique climatique si ce choix avait un sens.

La vérité, désagréable, c’est que même les leaders politiques ayant compris (si l’on en croit leurs discours) la direction à long terme, ne savent pas comment y parvenir… en restant au Lire la suite