Fabrice Nicolino : Le pic de Hubbert dès 2020 (quand le pétrole nous quitte)

fabrice-nicolino.com, Fabrice Nicolino, le 14 octobre 2009

Le pic de Hubbert dès 2020 (quand le pétrole nous quitte)

Je vous présente rapidement le pic dit de Hubbert. À la fin des années 40 du siècle écoulé, Marion King Hubbert, géophysicien, émet une hypothèse sur la manière dont les matières premières sont exploitées par les sociétés humaines. Selon lui, cet usage peut se représenter sous la forme d’une cloche. Toute production monte jusqu’à un certain point, avant de redescendre fatalement lorsque plus de la moitié des réserves disponibles sur terre ont été utilisées.

En 1956, Hubbert fait une présentation publique de sa thèse devant l’American Petroleum Institute, appliquant son idée au pétrole-roi, sur lequel reposent nos sociétés industrielles. Hubbert prédit en cette année 1956 que le pic maximum de l’utilisation du pétrole aux États-Unis sera atteint en 1970. Après, pense-t-il, la production ne cessera de décliner, plus ou moins vite. Il a raison, le déclin commence en 1971.

Mais il y a bien des manières d’avoir raison tout en ayant tort. Car bien entendu, la parole du géophysicien, inaudible au beau milieu des Trente Glorieuses, est vite laissée de côté. Et l’on continue comme avant, sans se soucier le moins du monde du lendemain. Seuls quelques braves maintiennent, au fil des décennies, une réflexion sur ce que l’on appelle désormais le Peak Oil, le pic du pétrole. La question n’est plus : ce pic existe-t-il ? Non, la question est peu à peu devenue : quand se produira-t-il ?

Dans ce domaine stratégique, bien des estimations restent basées sur des chiffres fournis sans contrôle par les États producteurs. Je vous ennuierai en vous parlant de toutes les bizarreries comptables qui entourent la décisive question des réserves pétrolières mondiales. Pour ne prendre qu’un exemple, l’Arabie Saoudite, assise sur une poudrière sociale, politique, ethnique même, peut-elle raisonnablement dire la vérité sur l’état de ses ressources, qui commande son statut géopolitique ?

Bref. Vous me comprenez. Sans jeu de mots, un baril de pétrole est aussi une bouteille à l’encre. Or un rapport (en anglais, hélas) vient de remettre les pendules à l’heure d’une façon pour le moins inquiétante. Publié par l’UKERC (United Kingdom Energy Research Centre), organisme britannique public autant que sérieux, il estime que le Peak Oil mondial pourrait être atteint avant 2020 (ici). Mieux, pire, il met en garde le gouvernement de Londres, totalement incapable, pour l’heure en tout cas, de seulement considérer le problème. Inutile, je crois, d’évoquer le degré de préparation de notre propre pouvoir politique.

Est-ce fou ? Oui, je le pense. Car 2020, c’est dans dix ans, et seuls des choix faits immédiatement auraient quelque chance d’avoir un effet à cette date. Rappelons que, pour l’heure, le pétrole représente le tiers de l’énergie consommée dans le monde. Bien entendu, même si ce rapport dit vrai, il restera du pétrole à extraire bien après 2020. Mais son coût de production, mais son prix à la consommation seront toujours plus volatils, avec une tendance certaine à l’augmentation, qui ne cessera plus jamais. Il est donc certain, je dis bien certain, que l’heure de l’énergie bon marché est derrière nous.

Cette situation nouvelle recèle bien des menaces. Parmi lesquelles le risque croissant d’exploiter certains des gigantesques gisements de sable bitumineux, qui contiennent assez de pétrole pour être rentables à partir d’un certain niveau de prix du pétrole lui-même. L’essentiel de ces sables se concentrent en Alberta (Canada) et au Venezuela. Outre la destruction directe des écosystèmes locaux, l’extraction de sables enverrait dans l’atmosphère de grandes quantités de gaz à effet de serre, dont du méthane. Pour le climat, ce serait donc une (très) mauvaise nouvelle de plus.

On sait ce qu’il faudrait faire, dans les grandes lignes du moins. Investir tout de suite dans un habitat réduisant massivement les besoins de chauffage. Par exemple la maison passive. Rien à voir, on s’en doute, avec les pantomimes du Grenelle de l’Environnement. Je parle là d’une mobilisation nationale comparable aux temps extrêmes de la guerre, qui poserait au passage la question clé du rôle de l’automobile individuelle dans les sociétés de l’avenir.

Apercevez-vous quelque chose à l’horizon ? Notre Premier ministre en titre, amateur de conduite sportive, ne rêve que de courir les 24 Heures du Mans (vrai). Il ne faut pas espérer bien plus. Et notre président-bouffon ne songe qu’à placer son fils à la tête d’un établissement public gérant des centaines de millions d’euros et chargé de l’aménagement d’un immense quartier d’affaires. Un quartier où l’on construit, où l’on construira demain comme l’on faisait il y a vingt ans. C’est à pleurer.

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