Corinne Lepage : « La décroissance n’est pas porteuse d’espoir »

lemonde.fr, Corinne Lepage, députée européenne et présidente de CAP 21, le 20 août 2010

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Corinne Lepage : « La décroissance n’est pas porteuse d’espoir »

Pour Corinne Lepage, « nous devons faire du ‘bien-vivre’ un objectif partagé qui repose sur la sécurité humaine« .

Si l’écologie politique décide d’être le porteur de la décroissance et d’un projet défini comme avant tout anticapitaliste et antilibéral, alors elle ratera le coche de l’Histoire qui propose au monde multiple de l’écologie politique d’être le passeur d’une civilisation à à une autre, et ce grâce à un projet de transition.

Les drames climatiques de l’été ont une fois de plus illustré ce que sera le monde du changement climatique avec ses tragédies individuelles et ses risques collectifs. Pour autant, le prochain sommet sur le climat à Cancún s’annonce très mal !

Certes, les menaces économiques font planer les plus grands doutes sur la reprise. La faiblesse de la création d’emplois, la persistance d’un chômage à deux chiffres et touchant, dans le monde entier, les jeunes de plein fouet rendent très pessimiste. Et pourtant, la transformation du système financier apparaît des plus modestes.

Mais le projet d’une décroissance, même qualifiée de prospère (ce qui est un oxymore du même ordre qu’une croissance durable), ne peut aucunement fédérer nos concitoyens et constituer un projet porteur d’espoir. D’ailleurs, les décroissants l’abandonnent progressivement.

Dans un ouvrage, Prospérité sans croissance. La transition vers une économie durable (De Boeck, « Planète en jeu », 248 p., 17euros), Tim Jackson, de la Commission du développement durable du Royaume-Uni, propose d’abandonner le terme et l’idée pour proposer un autre modèle, proche de ce que j’ai appelé l’évolution soutenable.

Plusieurs changements sont nécessaires : il faut avant tout passer d’un modèle économique à deux dimensions (travail et capital) à un modèle macroéconomique à au moins trois dimensions, introduisant le principal facteur de rareté issu de la finitude de notre planète. Il est également indispensable de modifier notre rapport au travail.

Dans le système actuel, le travail est avant tout un coût de production qu’il convient de réduire pour les entreprises, et le moyen d’assurer son existence, qu’il convient donc de conserver coûte que coûte, pour le travailleur.

En prenant la dimension sociale du travail comme un des éléments d’existence dans une société, on ajoute une nouvelle valeur à ce travail. Le travail devient une valeur sociale centrale du modèle macroéconomique qu’il faut à tout prix préserver, développer, voire partager.

Mettre l’emploi au cœur des politiques permet de Lire la suite

Ban Ki-Moon et Al Gore : Pour une croissance verte

liberation.fr, Ban Ki-moon secrétaire général de l’Organisation des Nations unies et Al Gore ancien vice-président des Etats-Unis, le 23 février 2009

Pour une croissance verte

Les plans de relance économique sont à l’ordre du jour, et les gouvernements du monde entier cherchent à donner une nouvelle impulsion à l’économie mondiale. Toutefois, parallèlement à leurs efforts de relance immédiate, les dirigeants doivent également agir en commun pour que le nouveau modèle économique qu’ils sont en train d’élaborer soit un modèle de développement durable, aussi bien pour la planète que pour notre avenir. Il faut à la fois relancer l’économie et investir à long terme de façon à atteindre simultanément deux objectifs avec une seule et même politique économique, c’est-à-dire mettre en œuvre une politique qui réponde aux besoins économiques et sociaux immédiats et qui soit en même temps une politique mondiale verte. Il nous faut faire de la «croissance verte» notre mot d’ordre.

Une récession mondiale synchronisée exige une réponse mondiale également synchronisée. Les principales économies doivent mettre en place des mesures de relance et coordonner étroitement leurs politiques économiques. Il faut éviter la politique du chacun pour soi qui a contribué à la crise de 1929. La coordination est essentielle pour réduire la volatilité financière et prévenir les attaques contre les monnaies et une inflation galopante, pour redonner confiance aux consommateurs et aux investisseurs. En novembre à Washington, les dirigeants du G20 se sont déclarés déterminés à «renforcer la coopération et à travailler ensemble pour restaurer la croissance mondiale et réaliser les réformes nécessaires dans les systèmes financiers». Il est urgent de s’y attacher. Les plans de relance sont destinés à donner une nouvelle impulsion à l’économie, mais s’ils sont bien conçus et bien mis en œuvre, ils peuvent nous mettre sur la voie d’une nouvelle croissance, faiblement émettrice de carbone et verte.

Les plans de relance annoncés par 34 nations s’élèvent à environ 2 250 milliards de dollars. Complétés par de nouvelles initiatives d’autres pays, ils doivent nous aider à catapulter l’économie mondiale dans le XXIe siècle, au lieu de maintenir en vie des industries mourantes et de perpétuer les mauvaises habitudes d’hier. Continuer à injecter des milliers de milliards de dollars en investissements dans des infrastructures qui reposent sur le carbone et en subventions pour les industries qui reposent sur les combustibles fossiles reviendrait à commettre la même erreur qu’avec les subprimes. La suppression des 300 milliards de dollars de subventions accordés annuellement en faveur de secteurs qui reposent sur les combustibles fossiles permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 6 % et contribuerait à la croissance du produit intérieur brut mondial. Les investissements dans les énergies renouvelables auront un impact là où les besoins sont les plus importants. Les pays en développement représentent déjà 40 % des ressources renouvelables mondiales et 70 % du chauffage solaire de l’eau. Partout dans le monde, en particulier aux Etats-Unis et en Chine, les dirigeants prennent conscience qu’une croissance verte n’est pas simplement une des options, mais une nécessité pour redonner de la vigueur à leurs économies et créer des emplois. Le secteur des énergies renouvelables représente 2,3 millions d’emplois dans le monde, davantage que les emplois directs du secteur pétrolier et gazier. Aux Etats-Unis, l’industrie éolienne emploie aujourd’hui plus de monde que l’ensemble du secteur du charbon. Les plans de relance annoncés par le président Barack Obama et par la Chine représentent des mesures essentielles dans la bonne direction, et leurs éléments en faveur d’une croissance verte doivent être appliqués d’urgence.

Nous exhortons tous les gouvernements Lire la suite