Embarquement dans le bateau ivre de la crise systémique

actu-environnement.com, Agnès Sinaï, le 11 mars 2009

Embarquement planétaire dans le bateau ivre de la crise systémique

Le système financier mondial est en cours d’implosion. À force d’avoir spéculé sur la dette plutôt qu’avoir misé sur l’économie réelle, le capitalisme de casino s’apprête à léguer à la société un gouffre d’irresponsabilité, tant sociale qu’environnementale.

La démesure de la dette financière s’affiche, telle une béance, dans les courbes ascendantes de déficits qui vibrent en rouge dans le début d’une longue nuit. En 2008, le montant des prêts hypothécaires américains se chiffrait à 11 000 milliards de dollars, dont 60% étaient « titrisés » sous forme d’obligations vendues au public. Le taux d’endettement de la France devrait s’approcher de 80 % du PIB à la fin de l’année 2010, rapporte mardi 3 mars, Le Figaro1 en citant une source gouvernementale. Ce taux, actuellement de 66 % du PIB, augmenterait de sept points par an jusqu’en 2010, assure cette même source. La dette dépasserait alors les 22.000 euros par Français, constate le quotidien. Plus tôt dans la journée, le premier ministre François Fillon avait estimé sur Europe1 qu’aucun plan de relance ne permettra d’éviter la crise […] Personne aujourd’hui ne peut savoir quand on sortira de cette crise. Ce qu’on sait, c’est que toute l’année 2009 sera une année de crise, avait-il affirmé, pressentant le caractère hors d’échelle du phénomène et formulant un aveu d’impuissance sidérée.

A l’échelle des Temps Modernes, l’apothéose du capitalisme aura finalement été de courte durée : ascension des Trente Glorieuses à partir des années cinquante, libéralisme sans entraves dans les années 80, achèvement de la dérégulation financière jusqu’à nos jours. Mais dans ce bref laps de temps, le système lègue une ardoise gigantesque, une panne du système, un credit crunch, tant économique qu’écologique. Le découplage du capitalisme financier par rapport à sa base de survie n’a cessé de s’accentuer. Et les remèdes proposés par les plans de relance ici et là tournent tous bon an mal an autour de mêmes recettes éculées, autant de manières de soigner le mal par le mal : renflouer les caisses des banques pour relancer la consommation et revenir à l’état antérieur, un retour à la « normale » du cycle de la croissance consumériste et productiviste. Comme si le socle du vivant et le tissu social pouvaient indéfiniment continuer à soutenir la perpétuation de la consommation et de l’endettement, sans autre forme de projet existentiel et politique. Pourtant, et la présente « crise » le démontre, la survie du capitalisme lui-même suppose que toutes les instances de la société et de la nature ne soient pas gangrenées par la dette.

Un système global hors d’usage

Or n’est-ce pas la pulsion de l’avidité sans limites d’un système vorace, où la richesse des uns est fondée sur l’endettement des autres, qu’il faut questionner au nom d’un nouveau modèle de société fondé sur d’autres valeurs ? C’est sans doute le moment ou jamais. Selon les experts du LEAP/Europe, un groupe européen de réflexion prospective, la crise économique pourrait évoluer vers des situations de chaos social, faites de violentes révoltes populaires. Dans son dernier bulletin, daté du 15 février, le LEAP annonce le début de la phase 5 de la crise systémique globale : la phase de dislocation géopolitique mondiale, après quatre grandes phases de déclenchement, d’accélération, d’impact et de décantation. Selon le LEAP, les dirigeants du monde entier n’ont pas tiré les conséquences de l’effondrement en cours du système qui organise la planète depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Hélas, à ce stade, il n’est plus vraiment permis d’être optimiste en la matière. Aux Etats-Unis comme en Europe, en Chine ou au Japon, les dirigeants Lire la suite

Après la crise financière, la guerre civile ?

Le Monde, Claire Gatinois, 26 février 2009

Après la crise financière, la guerre civile ? Préparez-vous à « quitter votre région »…

La crise économique et financière va-t-elle dégénérer en violentes explosions sociales ? En Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, la guerre civile est-elle pour demain ? C’est le pronostic quelque peu affolant que dressent les experts du LEAP/Europe 2020, un groupe de réflexion européen, dans leur dernier bulletin daté de mi-février.

Dans cette édition où il est question que la crise entre, au quatrième trimestre 2009, dans une phase de « dislocation géopolitique mondiale », les experts prévoient un « sauve-qui-peut généralisé » dans les pays frappés par la crise. Cette débandade se conclurait ensuite par des logiques d’affrontements, autrement dit, par des semi-guerres civiles. « Si votre pays ou région est une zone où circulent massivement des armes à feu (parmi les grands pays, seuls les Etats-Unis sont dans ce cas), indique le LEAP, alors le meilleur moyen de faire face à la dislocation est de quitter votre région, si cela est possible. »

Selon cette association, formée de contributeurs indépendants issus des milieux politiques et économiques et de professionnels européens de différents secteurs, les zones les plus dangereuses sont celles où le système de protection sociale est le plus faible.

La crise serait ainsi à même de susciter de violentes révoltes populaires dont l’intensité serait aggravée par une libre circulation des armes à feu. L’Amérique latine, mais aussi les Etats-Unis sont les zones les plus à risques. « Il y a 200 millions d’armes à feu en circulation aux Etats-Unis, et la violence sociale s’est déjà manifestée via les gangs », rappelle Franck Biancheri, à la tête de l’association. Les experts du LEAP décèlent d’ailleurs déjà des fuites de populations des Etats-Unis vers l’Europe, « où la dangerosité physique directe restera marginale », selon eux.

FAIRE DES RÉSERVES

Au-delà de ces conflits armés, le LEAP alerte sur les risques de pénuries possibles d’énergie, de nourriture, d’eau, dans les régions dépendantes de l’extérieur pour leur approvisionnement et conseille de faire des réserves. Cette perspective apocalyptique pourrait faire sourire si ce groupe de réflexion n’avait, dès février 2006, prédit avec une exactitude troublante le déclenchement et l’enchaînement de la crise. Il y a trois ans, l’association décrivait ainsi la venue d’une « crise systémique mondiale », initiée par une infection financière globale liée au surendettement américain, suivie de l’effondrement boursier, en particulier en Asie et aux Etats-Unis (de – 50 % à – 20 % en un an), puis de l’éclatement de l’ensemble des bulles immobilières mondiales au Royaume-Uni, en Espagne, en France et dans les pays émergents. Tout cela provoquant une récession en Europe et une « très Grande Dépression » aux Etats-Unis.

Doit-on en conclure que la crise mondiale peut se transformer en guerre mondiale ? « Les pronostics de LEAP sont extrêmes, mais la violence sociale pointe », admet Laurence Boone, économiste chez Barclays.

Reste un espoir, une « dernière chance » selon le LEAP, qui résiderait dans la capacité du G20, qui se réunira le 2 avril à Londres, à arrêter un plan d’action « convaincant et audacieux« . Dans ce cas, le monde ne serait toutefois pas tiré d’affaire, puisque les experts ne manquent de rappeler que Lire la suite